Si tu savais à quel point je t’aime, tu t’enfuirais », « Je pense à toi 60 fois par minute ». Un, deux puis plus de 350 SMS anonymisés, quelques mots ou quelques lignes, se lovent sur le compte Instagram @amours_solitaires, créé en février 2017. Solitaires, parce que le message à l’être aimé ou rayé de sa carte amoureuse s’écrit et se lira seul devant l’écran. Et c’est seule, également, que Morgane Ortin, bientôt 27 ans, choisit chaque jour son coup de cœur parmi les 150 captures d’écran de SMS d’amour qu’elle reçoit, le remet en forme sur son smartphone avant de le publier. « C’est un choix évidemment subjectif, c’est le mien ! Il repose sur l’émotion que le message suscitera, sa qualité, son originalité, son caractère percutant ou universel, qui ne requiert aucun élément de contexte et parle au plus grand nombre. »
« Tu me manques déjà. » « Toi aussi. Tu me manques depuis toujours. » « Veux-tu m’(épo)user ? »
« Tu me manques terriblamant »
Pour la jeune directrice éditoriale des éditions numériques Des Lettres, spécialisée dans le genre épistolaire, ce projet indépendant se veut avant tout une contestation. « J’en avais assez d’entendre dire que la lettre d’amour était morte, que l’image supplantait les mots chez les jeunes, que la techno aliénait nos écrits ! Quoi qu’on en dise, la lettre d’amour évolue avec les supports technologiques et perdure », selon cette « grande amoureuse de l’amour ».
Peut-être même est-elle plus présente que jamais. Un peu plus resserrée à l’écran, bien sûr. Plus intempestive. Et tout aussi fougueuse. Elle en est convaincue : « Nous n’avons rien à envier aux grands auteurs. » Gala aurait tout aussi bien pu textoter à Paul Eluard ce « Tu me manques terriblamant », tandis que Jean Cocteau adresserait à Jean Marais ce « Je t’aime toujours mais mes démons ne supportent plus les tiens ». Mais l’écran n’avait pas encore son mot à dire.
Plus de 73 000 abonnés butinent ces textos amoureux, les commentent, s’en inspirent et en envoient à leur tour par MP (message privé) : mots de velours, mots d’esprit, déclarations d’amour enflammées, sextos, émois de cœurs tourmentés ou brisés s’agglutinent pour composer cet écrin du romantisme intemporellement moderne. « Osez écrire votre amour, vous déclarer, bravez la timidité et la pudeur (…) et partagez cet éternel frisson pour soulever d’autres cœurs », conseille l’enthousiaste Morgane Ortin dans son « Manifeste ».
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