L’existence de la grande star de cinéma sud-coréenne Choi Eun-hee n’avait déjà rien d’ordinaire, mais elle prit un tour encore plus singulier un jour de janvier 1978 sur la plage de Repulse Bay, à Hongkong, selon le récit que fera plus tard l’actrice, décédée lundi 16 avril.
La comédienne s’était rendue dans la colonie britannique pour rencontrer le prétendu directeur d’un studio local qui disait donner également des cours d’art dramatique et lui proposait un partenariat, peut-être aussi de réaliser une production locale. Cela faisait un moment que Choi, l’une des plus grandes célébrités du cinéma de l’après-guerre de Corée, était dans une phase de creux et son école d’art dramatique était au bord de la banqueroute. L’offre était de nature à changer la donne.
La villa du producteur, lui expliqua sa guide, était de l’autre côté de la baie. Quoique interloquée, Choi embarqua sur l’esquif à moteur vers laquelle on la dirigeait. Elle fut ainsi enlevée et transférée sur un cargo. Destination : le régime ennemi de son pays en pleine guerre froide, la Corée du Nord.
Admirée par Kim Jong-il
Là-bas, un fan de cinéma nourrissait un dessein ambitieux. Kim Jong-il avait été chargé du département d’agit-prop du régime de son père. Il avait développé une passion pour le septième art et déplorait la piètre qualité des films de propagande nord-coréens en comparaison avec les œuvres du Sud. Ce kidnapping devait contribuer à relever le niveau.
Kim Jong-il admirait beaucoup, semble-t-il, l’actrice et tenta à certaines occasions de lui remonter le moral, quoi que étant le commanditaire de son enlèvement. « J’étais au désespoir et il a tenté de me changer les idées, en disant : “Regardez-moi, Mme Choi. N’ai-je pas l’air d’un nain petit et gros ?” Je n’ai pas pu m’empêcher de rire », racontera-t-elle ensuite dans un entretien. Elle sera hébergée dans de luxueuses villas à Pyongyang et parfois maintenue dans des résidences de province, pour sa rééducation idéologique.
Cinq ans après son arrivée sur le sol nord-coréen, Choi sera présentée à celui dont elle ignorait qu’il était également devenu l’otage du Nord : son ex-mari, le réalisateur Shin Sang-ok. Dans les mois qui suivirent sa disparition, il s’était rendu à Hongkong sur la trace de la femme dont il était séparé depuis peu et avait exploré toutes les pistes. Il dira avoir été enlevé lui aussi, même si le régime affirma qu’ils avaient fait défection, fuyant l’environnement répressif en place à Séoul sous le général Park Chung-hee.
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