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Un projet de moteur de recherche pour la Chine déclenche une fronde chez Google

Baptisé « Dragonfly », cet outil contenu dans une application Android est conçu pour obéir aux règles de censure de Pékin. Un projet jugé contraire aux valeurs de l’entreprise par une partie des salariés.

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Publié le 20 août 2018 à 06h40, modifié le 20 août 2018 à 10h20

Temps de Lecture 3 min.

Le logo Google devant les bureaux de la société, à Pékin, le 8 août.

« Nous ne sommes pas prêts à lancer un produit de recherche en Chine. Et il n’est pas du tout clair que nous pourrions ou que nous voudrions le faire. » Après deux semaines de crise larvée, le PDG de Google, Sundar Pichai, est sorti de son silence, jeudi 16 août, pour évoquer avec les salariés de l’entreprise l’énigmatique projet « Dragonfly ».

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L’existence de Dragonfly, « la libellule », avait été révélée ce 1er août par le site américain The Intercept. Derrière ce nom de code, un moteur de recherche, contenu dans une application Android, destiné au marché chinois. Et qui serait donc soumis aux règles de censure de Pékin. D’après des documents internes consultés par The Intercept, le moteur de recherche est conçu pour « blacklister les recherches sensibles » et « n’afficher aucun résultat » lorsque ses utilisateurs entrent certains mots-clefs.

La censure chinoise est un sujet particulièrement sensible chez Google. En 2010, le moteur de recherche avait mis fin à ses opérations en Chine, pour protester contre la censure des résultats de recherche imposée par Pékin, qui filtrait notamment les recherches portant sur la révolte de la place Tiananmen.

« Des marqueurs du totalitarisme »

L’existence de Dragonfly a suscité l’incompréhension de nombreux salariés. Dans une lettre interne, signée par un millier d’employés et dont le texte a été révélé par le New York Times, des salariés de Google soulignent la contradiction que représente ce projet par rapport aux valeurs et à l’histoire de l’entreprise.

« En 2010, [le cofondateur de Google] Sergey Brin avait expliqué que (…) la censure et la surveillance des dissidents constituaient des marqueurs de totalitarisme », notent les signataires de la lettre. M. Brin, dont la famille avait fui l’URSS alors qu’il était enfant, a à plusieurs reprises pris fortement position contre les pratiques de censure de l’information. Ce 16 août, il aurait affirmé lors d’une réunion interne ne rien avoir su du projet avant qu’il ne soit révélé par la presse, selon The Intercept.

Le départ de Google avait également été précipité par la découverte d’une vaste campagne de cyberespionnage visant notamment des comptes Gmail de dissidents chinois. Seule une infime minorité de Chinois utilisent aujourd’hui les services de Google, qui ne sont accessibles que par le biais d’outils de contournement de la censure – Gmail ou Google Search sont aujourd’hui bloqués en Chine continentale.

La fronde interne à Google a également été alimentée par le secret entourant le projet. Avant la révélation de son existence par la presse, seule une infime minorité des salariés de Google connaissaient son existence. Les tâches avaient été divisées puis distribuées à plusieurs équipes, et la plupart des employés travaillant sur Dragonfly ignoraient tout des finalités du projet.

« Besoin urgent de transparence »

Une méthode contestée par les signataires de la lettre interne : « Nous avons un besoin urgent de transparence, d’une place à la table des décisions, et d’engagements pour nous assurer que le processus est clair et ouvert : les employés de Google doivent savoir ce qu’ils sont en train de construire », écrivent les signataires. En début d’année, des salariés de Google avaient également protesté contre un projet de collaboration entre l’entreprise et le Pentagone. Le projet avait été abandonné.

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En réunion publique, M. Pichai a justifié ce secret par le caractère « exploratoire » du projet Dragonfly. En revanche, malgré la fronde interne et les critiques externes d’associations de défense des droits de l’homme, il ne s’est pas engagé sur un retrait de Dragonfly. « Notre mission est d’organiser l’information du monde. La Chine représente un cinquième de la population mondiale. Pour accomplir notre mission, nous devons réfléchir sérieusement à ce que nous pouvons faire en Chine », a-t-il dit. Des propos qui font également écho aux défenseurs du projet, en interne comme en externe, qui estiment que le retrait de Google de Chine n’a rien changé sur le fond à la situation dans le pays.

Google est d’ailleurs loin d’être la seule entreprise de la Silicon Valley à connaître le même dilemme. Fin juillet, Apple, dont les produits rencontrent un gigantesque succès commercial en Chine, avait également fait l’objet de vives critiques après avoir supprimé de son magasin d’applications chinois plusieurs logiciels de contournement de la censure, à la demande de Pékin.

Tim Cook, le patron d’Apple, s’en était justifié, le 1er août. « Nous aurions préféré ne pas supprimer ces applications, mais, comme nous le faisons dans les autres pays, nous respectons la loi des pays où nous travaillons », avait indiqué M. Cook lors de la présentation des résultats trimestriels de l’entreprise. « Nous croyons fortement que participer à l’économie et offrir des services aux consommateurs est dans l’intérêt des gens là-bas. »

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