Sur les hauteurs de Saint-Jean-de-la-Porte, les lourdes pluies tombées avec le solstice d’été ont laissé place à un épisode de canicule. En fin de journée, la chaleur se mue en un soleil rasant qui caresse les sols, élargit les ombres et vient soulager les vignes de ce petit village savoyard. Situés à une vingtaine de kilomètres de Chambéry, les coteaux de l’AOC Saint-Jean-de-la-Porte sont orientés sud, sud-est : de quoi offrir un emplacement optimal pour le développement des raisins – et une belle piste de décollage pour les vols en parapente.
Aux meilleurs endroits, les versants se raidissent et cassent à des angles dont l’inclinaison dépasse les 50 %. Du haut de ces derniers, on entrevoit les flancs du massif des Bauges, qui déroulent leur végétation dense et verdoyante jusqu’à Albertville. Plus loin, les reliefs du Mont-Blanc et ses contours majestueux s’opposent fièrement à la vue.
Une attention et un toucher particuliers
C’est ici, sur les côtes de cet îlot de moyenne montagne argilo-calcaire que pousse et s’exprime le mieux le cépage rouge le plus célèbre de Savoie : la mondeuse noire. Cette variété de vigne, dont la culture reste à la marge dans la région (environ 300 hectares sur les 2 200 que compte le vignoble de Savoie), donne des vins rouges à la fois charnus et rafraîchissants. Traditionnellement consommés sur les pistes de ski, pendant la haute saison d’hiver, les vins de mondeuse ont longtemps été boudés par les amateurs de vin et les Savoyards eux-mêmes. On leur reprochait de manquer de maturité et de caractère et de n’être bons qu’à arroser les tartiflettes en période froide.
La pression saisonnière et celle des stations de ski ont poussé les vignerons locaux à vinifier et embouteiller à la hâte.
La pression saisonnière et celle des stations de ski ont poussé les vignerons locaux à vinifier et embouteiller à la hâte. « Cela a posé un gros problème parce que la mondeuse ne supporte ni la médiocrité ni les gros rendements. Plus les raisins sont nombreux, plus leurs arômes sont dilués, et moins bon est le vin », explique Bruno Bozzer, ancien sommelier et propriétaire de La Java des Flacons, une cave d’Annecy-le-Vieux spécialisée dans la vente de vins savoyards.
Il existe pourtant une mondeuse gourmande, ronde et délicate. Mais pour cela, il faut que ce cépage ancien, qui pousse à partir de 300 mètres d’altitude, bénéficie d’une attention et d’un toucher particuliers pour être amené à maturité. Si c’est le cas, ce vin prend une tout autre dimension. Vous pouvez le boire toute l’année, et nous vous invitons à le découvrir cet été. Bien faite, la mondeuse développe suffisamment d’arômes et de structure tannique pour accompagner un plat de chef ou une belle viande rouge.
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