Il faudrait toujours voyager en Falcon. Profiter des tables en acajou, des sièges en cuir moelleux et des chocolats que tend l’hôtesse au décollage, puis étendre ses jambes en contemplant les nuages, bercé par le ronron des trois réacteurs à propulsion, par-delà les mers et les océans, à la vitesse du son. Le bonheur de jouir du ciel en exclusivité, par la grâce d’un Falcon, je l’ai connu mardi 10 juillet, pour la première fois (j’avoue), à l’occasion du déplacement du président de la République à Saint-Pétersbourg, où avait lieu la rencontre France-Belgique, en demi-finales de la Coupe du monde. Je faisais partie de la délégation restreinte qui accompagnait Emmanuel Macron en Russie.
A quelques heures du coup d’envoi, le derby franco-belge excite le président. Je pensais qu’il serait plongé dans ses dossiers le temps du vol, mais non, il ne pense qu’à Mbappé et à Griezmann, et avec Jean-Pierre Papin et Laura Flessel, la ministre des sports, nous mettons au point des tactiques qui permettront de tenir en échec les redoutables attaquants belges, compositions de la France et de la Belgique à l’appui, L’Equipe dépliée sur la table en acajou. A l’autre bout de l’appareil, Guy Roux (l’Elysée a commis un petit impair : pour des raisons que j’ignore, l’ancien entraîneur d’Auxerre et « JPP » ne s’adressent plus la parole) confabule avec l’éducateur qui a découvert N’Golo Kanté. Dans la voiture qui nous conduisait à la base aérienne de Villacoublay (Yvelines), il m’a raconté que Fidel Castro lui avait promis une île en cadeau s’il réussissait à imposer le football à Cuba (à la place du base-ball yankee) et que son épouse était une grande lectrice. De temps en temps apparaît Yannel, un garçon timide de 12 ans, qui se goinfre de bonbons et complète l’étrange congrégation.
A mi-chemin, tandis que nous survolons le Danemark, le superintendant nous annonce une nouvelle d’importance : Cristiano Ronaldo va signer à la Juventus Turin. Les loges des VVIP (very very important people) seront bien garnies, nous informe-t-il aussi. Le roi de Belgique, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, et l’émir du Qatar seront au stade Krestovski. Le président Macron marque des points (ou alors, il est très bien renseigné, me concernant) : il aime l’Olympique de Marseille, Edinson Cavani, le Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg et la beauté mélancolique de Trieste. Papin différencie le charisme affectif de Silvio Berlusconi (l’ancien propriétaire du Milan AC, où le buteur a évolué) de celui plus autoritaire de Bernard Tapie. Je ne me souviens plus pourquoi mais Laura Flessel et moi discutons ensuite des Balkans. Plus loin, Guy Roux s’est endormi et Yannel avale un sandwich dans le cockpit.
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