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L'agroécologie est-elle l'avenir de l'agriculture française ?

Cultures associées, emploi des micro-organismes... L'agroécologie a été érigée en priorité du ministère de l'agriculture et de l'INRA. Reportage dans la ferme d'un agriculteur expérimentateur, en Vendée.

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Publié le 24 avril 2013 à 18h17, modifié le 26 juin 2013 à 15h47

Temps de Lecture 4 min.

Il faut un œil averti pour identifier de quoi sont plantés les champs de Jacques Morineau, de part et d'autre des chemins de son exploitation vendéenne où bringuebale son vieux 4x4 tout infiltré de poussière de terre. Vingt-neuf variétés y poussent, sur une mosaïque de parcelles où il a mêlé ici du pois et de l'orge, là du blé et de la féverole, ailleurs un carré de maïs entouré de colza, de l'avoine, du sorgho, des prairies et des bosquets, un champ de peupliers… Sans compter les ruches, les vaches et les poulets.

Ce savant assemblage ne doit rien au hasard. Le pois et l'orge, par exemple : le premier fixe dans la terre l'azote nécessaire au second, évitant ainsi le recours aux engrais azotés. L'orge, plus fragile, résiste mieux aux maladies quand elle pousse en mélange, l'autre variété empêchant que le pathogène ne contamine tout le champ. Au final, le rendement global de la parcelle s'en trouve accru, assure Jacques Morineau. "On fait l'inverse de la monoculture et de l'agriculture intensive, où on a spécialisé les plantes : on cherche un maximum de diversité génétique", explique le paysan agronome.

Les cultures associées sont l'une des méthodes employées dans sa ferme, qu'il a convertie dans les années 1990 à l'agroécologie. Union d'agronomie et d'écologie, ce mot-valise désigne une démarche agricole qui utilise les services rendus par les écosystèmes, plutôt que de chercher à les substituer par des intrants – engrais, pesticides… "Au lieu de lutter contre la nature, on compose avec", résume Benoît Drouin, président du réseau Agriculture durable des Civam. "Mon grand-père était agriculteur à l'époque de la deuxième guerre mondiale, et il mélangeait les cultures. Il faut retrouver la connaissance des plantes et le sens de l'observation."

LA FRANCE, FUTUR LEADER MONDIAL DE L'AGROÉCOLOGIE ?

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Ces méthodes, si elles restent marginales en France, sont acquises au gré des expérimentations de quelques agriculteurs "pionniers", et de plus en plus explorées par la science agronomique : l'INRA en a fait l'un de ses deux champs de recherche prioritaires en 2010. La démarche a aussi inspiré le ministre de l'agriculture, qui a déclaré vouloir faire de la France un leader mondial de l'agroécologie, et présenté un projet en ce sens fin février. Elle constitue le fil rouge de la future loi d'avenir de l'agriculture, qui est entrée en phase de concertation lundi 15 avril, avant une présentation en Conseil des ministres en septembre.

Lire l'entretien : "L'agroécologie, un chantier prioritaire pour l'INRA"

Stéphane Le Foll promet notamment de mobiliser 3 millions d'euros dès 2013 dans ce domaine, et de créer des "groupements d'intérêt économique et environnemental" pour permettre aux agriculteurs de s'associer et d'échanger leur savoir. "A ceux qui disent qu'on ne peut pas produire autant avec l'agroécologie, je réponds : "Venez constater avec moi, sur le terrain, que l'on peut faire des rendements de 80 quintaux à l'hectare en blé ou 9 000 litres par an pour une vache laitière avec des systèmes écologiquement performants", assure-t-il dans un entretien à Terra Eco

Lire la réaction de la Fédération internationale de l'agriculture biologique au projet de Stéphane Le Foll sur Basta Mag

Dans l'exploitation de Jacques Morineau, les rendements sont légèrement inférieurs à ceux de l'agriculture conventionnelle, du moins en ce qui concerne les céréales comme le blé et le maïs. Mais l'homme se targue, pour compenser une production moindre, d'un gain de qualité : son blé, par exemple, peut être transformé en pain. Et "Venez constater avec moi, sur le terrain, que l'on peut faire des rendements de 80 quintaux à l'hectare en blé ou 9 000 litres par an pour une vache laitière avec des systèmes écologiquement performants", dit l'agriculteur.

Selon lui, il faudrait d'ailleurs, pour comparer, ramener la production à la surface réelle et à l'énergie consommées pour un hectare : lui n'achète ni semences cultivées ailleurs, ni fourrage pour ses animaux, ni engrais ou pesticides. Cette autonomie lui permet, surtout, de réduire ses coûts de production. Les marges qu'il obtient permettent de faire travailler sept personnes dans sa ferme.

Le gendre de Jacques Morineau est l'un des sept employés de l'exploitation.

Parmi les salariés, le gendre de Jacques Morineau, qui souhaite reprendre l'exploitation avec sa fille, arpente en tracteur un champ de blé et de féverole avant la tombée de la nuit. Autres méthodes expérimentées dans ces champs : l'épandage de bois et de fumier pour favoriser le développement des micro-organismes vivant dans la terre – ""Venez constater avec moi, sur le terrain, que l'on peut faire des rendements de 80 quintaux à l'hectare en blé ou 9 000 litres par an pour une vache laitière avec des systèmes écologiquement performants" selon M. Morineau"Venez constater avec moi, sur le terrain, que l'on peut faire des rendements de 80 quintaux à l'hectare en blé ou 9 000 litres par an pour une vache laitière avec des systèmes écologiquement performants", ou la réduction des labours, pour "ne pas mettre sens dessus-dessous les couches dans lesquelles vit la microfaune du sol".

En surface, des insectes prédateurs "auxiliaires", utilisés pour remplacer les insecticides, ont investi les haies qui dessinent les parcelles de l'exploitation. L'agriculteur tente aussi d'agencer les différentes cultures de sorte qu'y circulent les coccinelles, qui mangent les pucerons. "Une sorte de parcours gastronomique", s'amuse-t-il. "C'est une question de regard. Quand mon voisin voit des coccinelles, il se dit qu'il y a des pucerons, donc il traite. Quand j'en vois, je m'en réjouis car elles mangent les pucerons."

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