Welcome Home… Portes palières et paillassons n’ont jamais été autant mis à contribution. Avec la banalisation des achats en ligne et des services à domicile, ou encore le succès des sites collaboratifs, une foule d’interlocuteurs se pressent désormais à nos portillons, parfois même au-delà de la barre de seuil. « Je commande au moins trois fois par semaine mes dîners sur Frichti, je vends de temps à autre sur Vinted et Leboncoin, et je fais appel à l’appli Simone pour une manucure, raconte Emilie. Je suis un peu comme un petit oiseau à qui l’on donne la becquée sans bouger de son nid. »
Son « Désolée, j’ai pas eu le temps de ranger » accompagne nos pas dans le vestibule de son petit deux-pièces parisien où l’on est venue acheter des livres. Outre les vestiges d’une soirée bien arrosée sur la table basse, l’entrée dévoile un peu de notre hôtesse : un chat pointe son museau, trois tours de boîtes à chaussures – « Les godasses, c’est mon talon d’Achille ! » –, un pêle-mêle de photos – Emilie à cheval, Emilie déguisée en pirate, Emilie en robe de cocktail –, ainsi qu’une forte odeur de citronnelle qui laisse présumer un combat acharné contre les moustiques. En dévalant les escaliers avec nos polars sous le bras, on en connaît un peu plus sur celle qui n’était pour nous qu’un pseudo à l’écran.
Frontière ténue
Avant la révolution numérique, peu de personnes étrangères au foyer pénétraient nos espaces privés. Le babysitter, l’employé du gaz, le livreur d’électroménager, la femme de ménage ou la concierge, tout au plus. Aujourd’hui, c’est tout un monde qui peut évoluer dans l’intimité du foyer, jusqu’ici chasse gardée de la famille et d’un cercle restreint de proches.
« Il y a chez les loueurs une certaine satisfaction à dévoiler leur intérieur, comme s’il s’agissait pour eux d’un aboutissement matériel, et même de leur réussite. » Benjamin Poutier, cofondateur de We Peps
Partager sa machine à laver ou encore sa perceuse avec les voisins, grâce au signalement de prêts volontaires collés sur sa boîte aux lettres (un kit de stickers « Prêt entre voisins » à commander sur Lesecolohumanistes ou encore sur Pumpipumpe), mais aussi ouvrir son salon au cours de langues collectif des enfants, au coach particulier, et sa cuisine au chef à domicile sollicité pour animer un dîner d’anniversaire, et jusqu’à son jardin ou son lit tout entier aux inconnus d’une plate-forme de location entre particuliers… La frontière entre les sphères privée et publique est de plus en plus ténue. Un œil sur les réseaux sociaux et ce sont, là encore, autant d’intérieurs dévoilés par d’indiscrets Instagram et YouTube. Quelqu’un pour remettre un peu d’ordre dans le salon, pièce maîtresse d’Angélique Grimberg, connue sur YouTube comme Angie maman 2.0 ?
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