LE SEXE SELON MAÏA
Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Face à des discours sexuels de plus en plus nuancés, intellectualisants, voire hermétiques, certains d’entre nous renoncent. On repère ces déserteurs à leur passion pour les mantras miracle : « l’important c’est d’aimer », « il suffit de communiquer », « nous sommes des animaux », « les hommes sont des bêtes », « ça dépend des gens ». Le sexe serait une activité naturelle que d’horribles empêcheurs de coucher en rond s’acharneraient à complexifier, pour servir des intérêts douteux (vendre des concepts ou des objets, garder sa chronique dominicale dans La Matinale du Monde).
Ces propositions « yaka-faukon » allient condescendance et absurdité, je-m’en-foutisme et pensée positive, politique de l’autruche et refus assumé des statistiques : pour lutter contre le harcèlement, yaka gifler ou humilier les harceleurs (une formidable suggestion de Mathieu Kassovitz sur Twitter) ; contre la pédophilie, yaka castrer les criminels avant leur exécution par napalm (merci le Café du commerce) ; contre la prétendue misère sexuelle, yaka obliger les femmes à coucher (merci les masculinistes).
Moins de réflexion, pour de meilleurs résultats ? Sans surprise, le choc de simplification ne fonctionne pas – ne peut pas fonctionner. Prenons pour exemple cette idée qu’il suffirait de s’aimer : quid des amours destructrices, jalouses, sadiques, abusives – celles qui servent à légitimer les prétendus crimes « passionnels » ? Quid des grands sentiments justifiant le contrôle, la jalousie, parfois les coups ? Nombre d’entre nous frappent les enfants, qu’ils adorent, et maltraitent la nature, qu’ils encensent. Donc non. Il ne « suffit » pas d’aimer.
Cet amour comme solution à tous les problèmes induit en outre des paresses dans la communication (au temps pour le « yaka se parler »). Comme l’écrivait l’auteure Mandy Len Catron la semaine dernière dans le Guardian, notre vocabulaire implique une vision irréaliste du couple : une « âme sœur » qui nous « complète », une « moitié » que nous aurions perdue en route… et qui posséderait des dons de télépathie. Pratique, n’est-ce pas ? Sauf que non seulement notre culture sexuelle nous empêche souvent de comprendre quoi que ce soit à nos propres désirs (puisque le sauveur, pardon, l’être élu, les devinera), mais elle ne permet l’expression que des désirs acceptables (vous faites quoi si votre fétiche personnel consiste à abuser de petits reptiles gluants ? Vous le criez sur tous les toits, en espérant que l’amour triomphera ?).
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