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Joël Robuchon, chef le plus étoilé au monde, est mort

Le cuisinier français est mort lundi à l’âge de 73 ans à Genève, des suites d’un cancer.

Le Monde

Publié le 06 août 2018 à 12h10, modifié le 07 août 2018 à 02h41

Temps de Lecture 5 min.

Le plus célèbre chef français laisse le monde de la gastronomie en deuil. Joël Robuchon est mort, lundi 6 août à Genève, à l’âge de 73 ans, des suites d’un cancer, une maladie sur laquelle il était resté très discret.

« Joël Robuchon s’est éteint aujourd’hui, mais ses 32 étoiles au Michelin brillent de tous leurs feux dans la constellation de la gastronomie mondiale », a déclaré dans un communiqué de presse Emmanuel Macron, lundi après-midi. « Avec les décès de Paul Bocuse et de Joël Robuchon, la gastronomie française est douloureusement endeuillée cette année, mais elle est forte de l’héritage vivant et vibrant de ses grands chefs, qui ont donné à l’apprentissage, à l’artisanat, et à la culture française de nouvelles lettres de noblesse », a également souligné le président de la République.

« Joël Robuchon, chef visionnaire et le plus étoilé au monde nous quitte aujourd’hui. De Paris à Shanghaï, son savoir-faire érigé en art a fait rayonner la gastronomie française et continuera d’inspirer la jeune génération de chefs », avait un plus tôt dans la journée expliqué sur Twitter le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, confirmant une information du Figaro.

Sacré « meilleur ouvrier de France » en 1976, « chef de l’année » en 1987 puis « cuisinier du siècle » en 1990, M. Robuchon était, avec 32 étoiles en 2016 – un record absolu –, le chef le plus étoilé au monde. Cet influent pionnier médiatique de la nouvelle cuisine et auteur d’ouvrages culinaires de référence laisse derrière lui un empire mondial de restaurants gastronomiques.

Une vocation dès l’enfance

A priori, rien ne destinait ce fils de maçon, né le 7 avril 1945 à Poitiers, à devenir le chef le plus étoilé. C’est au petit séminaire de Mauléon, dans les Deux-Sèvres, où il entre à l’âge de 12 ans pour devenir prêtre catholique, qu’il se découvre une passion pour la gastronomie en aidant en cuisine les religieuses. Il s’oriente finalement vers la gastronomie en tant qu’apprenti puis compagnon. Le début d’une longue ascension.

A 29 ans, il commence sa carrière en tant que chef de l’hôtel Concorde Lafayette dans le 17e arrondissement parisien, où il est sacré en 1976 meilleur ouvrier de France. Il devient ensuite chef de l’hôtel Nikko dans le 15e arrondissement, où il décroche ses deux premières étoiles au guide Michelin.

En 1981, il ouvre enfin son propre restaurant, Le Jamin, dans le 16e arrondissement parisien, pour lequel il décroche notamment les distinctions d’élite des trois étoiles au guide Michelin, de « chef de l’année » et, pour le Gault & Millau, de « cuisinier du siècle ».

« Gault & Millau l’a découvert en 1983 à l’hôtel Nikko, à l’époque, il était absolument inconnu, il travaillait dans un restaurant d’hôtel pas particulièrement sexy. Il nous a fait une très forte impression, il était dans l’épure », se souvient Côme de Cherisey, à la tête du fameux guide.

En 1994, il s’installe dans un restaurant portant son nom qui sera consacré par l’International Herald Tribune comme « meilleur restaurant du monde ».

Comme il l’avait annoncé, ce père de deux enfants rend son tablier à l’âge de 51 ans et claque la porte du monde étoilé pour partir en retraite et se consacrer à la transmission de son savoir, ainsi que le relate sa biographie en ligne. Il explique ne pas vouloir mourir d’une crise cardiaque due au stress, comme certains de ses prédécesseurs.

Il popularisera ensuite son art culinaire à la télévision, avec le célèbre rendez-vous « Bon appétit bien sûr », où il présente quotidiennement de 2000 à 2009 sur France 3 des recettes se voulant simples, peu chères et accessibles au plus grand nombre.

Le concept novateur des Ateliers

Le chef japonais Tomonori Danzaki et Joël Robuchon ont obtenu trois étoiles à Las Vegas et Tokyo.

Des années durant lesquelles le chef étoilé se nourrit d’expériences culinaires à l’étranger, notamment au Japon et en Espagne. Autant de sources d’inspiration qui lui donneront envie de retrouver le chemin des fourneaux… mais pas celui de la haute gastronomie. Il donne ainsi naissance à un nouveau concept : L’Atelier, « où gastronomie rime avec convivialité ».

L’idée est simple mais révolutionnaire : les clients, assis autour d’un grand comptoir, avec vue sur les produits et la cuisine, dégustent une cuisine « simple mais avec des produits exceptionnels ». « L’époque a changé, le consommateur recherche une cuisine qui soit moins sophistiquée, une adresse où l’on mange bien et où il y ait de l’ambiance », explique alors le chef.

« L’idée m’en est venue dans les bars à tapas [en Espagne] dont j’apprécie la convivialité. Je cherchais une formule où il puisse se passer quelque chose entre les clients et les cuisiniers », racontait-il aussi à L’Obs, lors de l’inauguration des premiers Ateliers de Tokyo puis de Paris, en 2003. Le succès de cette formule l’a ensuite amené à dupliquer le concept sur tous les continents : Las Vegas en 2005, New York, Londres et Hongkong en 2006 et Taipei en 2009…

Son credo : « la maîtrise de l’alliance des saveurs des meilleurs produits ». « C’est vraiment ce qu’il y a de plus beau dans la cuisine », selon ce cuisinier exigeant, qui confessait son admiration pour des chefs comme Jean Delaveyne et Alain Chapel.

« Il y avait un style Robuchon », a commenté, lundi, le journaliste culinaire Périco Légasse tandis que la chef médiatique Ghislaine Arabian a estimé qu’elle avait « l’impression de voir de la magie » quand Joël Robuchon était aux fourneaux.

Une purée de pommes de terre iconique

Le plat signature du grand maître-queux, qui a créé un empire avec plus de 1 200 employés dans le monde, était pourtant une simple purée de pommes de terre, devenue iconique.

Une recette riche en beurre dont il a livré les secrets à la télévision. Depuis plus de trois décennies, pas un de ses restaurants où elle ne soit demandée, alors qu’il aurait préféré, comme le rapporte Le Figaro, « que la tarte aux truffes, la crème de chou-fleur au caviar et les raviolis de langoustine soient ses créations les plus reconnues ».

Joël Robuchon avait aussi la réputation d’être dur. En 2009, dans un entretien avec Paris Match, il reconnaissait avoir « longtemps été intransigeant, avec (…) des excès et des colères noires ». En février 2015, l’un de ses anciens commis, qui affirmait avoir fait l’objet de « harcèlement », « brimades » et « insultes » dans ses cuisines, avait porté plainte contre le chef multi-étoilé. Ce dernier avait contre-attaqué en portant plainte à son tour pour « diffamation ».

Familier du Japon depuis 1976, Joël Robuchon y a ouvert plusieurs établissements au fil des ans. Il expliquait y avoir « été saisi par le virus de l’esthétique. Plus j’avance, plus je me dépouille. » Sa dernière réalisation restera le salon de thé-restaurant-pâtisserie-bar à saké, ouvert en toute discrétion au printemps 2018 à Paris, avec un grand producteur japonais de saké.

Son art culinaire perdurera d’une certaine manière à travers les nombreux chefs qu’il a formés, dont Gordon Ramsay, le Britannique médiatisé multi-étoilé.

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