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La Pologne, pays réfractaire à l’adoption de la monnaie européenne

Série « 2008-2018, une décennie perdue » (4/5). Les bénéfices de la devise européenne, vantés par les économistes polonais, pèsent peu face aux réticences de la population.

Par  (Varsovie, correspondance)

Publié le 18 mai 2018 à 14h00, modifié le 18 mai 2018 à 14h41

Temps de Lecture 3 min.

Le zloty polonais ayant un statut constitutionnel, l’introduction de l’euro nécessiterait une réforme de la Constitution.

En Pologne, la monnaie unique inspire la frilosité, voire l’animosité, aussi bien dans la population que dans la classe politique. Selon une étude d’opinion parue en janvier, 60 % des sondés seraient contre l’adoption de l’euro, contre 21 % d’avis favorables. Et la proportion de sceptiques n’a cessé de croître, ces huit dernières années. « Les gens ont peur de l’augmentation des prix et d’une baisse de leur niveau de vie, souligne l’économiste Witold Orlowski. Et, même si c’est une impression largement biaisée, ils sont assaillis d’informations allant dans ce sens venu d’Europe de l’Ouest. »

Cet état de fait crée une barrière politique aujourd’hui insurmontable. Le zloty polonais ayant un statut constitutionnel, l’introduction de l’euro nécessiterait une réforme de la Constitution, pour laquelle une majorité des deux tiers du Parlement est requise. Un compromis au-delà des clivages partisans impensable, dans un contexte de guerre à couteaux tirés entre les ultraconservateurs eurosceptiques du Parti droit et justice (PiS) au pouvoir et l’opposition libérale, sur la question des atteintes à l’Etat de droit. Compte tenu de l’humeur populaire, ni la majorité ni l’opposition n’ont intérêt à mettre la question de l’adoption de l’euro à l’ordre du jour.

« Soit nous serons dans la zone euro, soit dans la zone d’influence de la Russie »

Pourtant, une large majorité d’économistes polonais ne cesse de souligner les bénéfices à long terme, aussi bien économiques que politiques, de l’adoption de la monnaie européenne. Pour ses partisans, le choix de l’euro est avant tout une décision civilisationnelle et géopolitique, dans un contexte où le noyau dur de l’Union européenne (UE) pourrait se renforcer au détriment de la périphérie.

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« La zone euro, pas une zone monétaire optimale »

Le 1er janvier, une vingtaine d’économistes de renom signaient un appel au premier ministre, Mateusz Morawiecki : « Le seul avenir [pour l’UE] sera une zone euro élargie. La Pologne devrait prendre part à ce processus, si elle veut avoir une influence réelle sur l’avenir du continent. Mais aussi, si elle veut s’ancrer durablement en Europe de l’Ouest. Avec notre situation géographique, nous n’avons pas le choix : soit nous serons dans la zone euro, soit dans la zone d’influence de la Russie. »

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Mais M. Morawiecki, économiste de formation et qui a dirigé pendant huit ans une des plus grandes banques du pays, a coupé court au débat : « Je ne considère pas la zone euro comme une zone monétaire optimale. Nous ne prenons actuellement pas cela en considération », a-t-il commenté. Selon lui, la Pologne aurait besoin, en prérequis, « de longues années supplémentaires de forte croissance » pour atteindre « 80 % à 90 % du niveau de vie des pays les plus riches de la zone euro » ainsi qu’une « convergence accrue des structures économiques. »

Le temps où l’actuel président du Conseil européen, Donald Tusk, alors premier ministre, promettait une adoption de l’euro à l’horizon 2020, paraît bien loin. Depuis, le séisme de la crise grecque est passé par là, et le gouvernement de centre droit de la Plate-forme civique (2007-2015) a été le premier à appliquer la stratégie du « pied dans la porte » de la zone euro, repoussant sans cesse la date d’entrée, et ce, en dépit d’une pression notable de Berlin, premier partenaire économique de Varsovie. « Nous devons nous dépêcher de nous préparer, même si nous n’avons pas l’intention de nous dépêcher pour rentrer », résumait, en 2013, le ministre des finances, Jacek Rostowski.

« Taux d’intérêt très élevés »

A l’époque, un autre argument mis en avant était le fait que la dévaluation du zloty avait permis au pays de traverser la crise financière plus en douceur. Cette dévaluation entre 10 % et 15 % avait stimulé les exportations et permis de maintenir les indicateurs au vert. En 2009, la Pologne était le seul pays de l’UE a ne pas connaître de récession. Le secteur bancaire, largement dans les mains de capitaux étrangers, a, lui aussi, évité les turbulences.

Mais, selon Witold Orlowski, cet argument est dépassé. « Le zloty maintient l’illusion qu’en cas de crise, la monnaie sera dévaluée et les salaires vont baisser, une flexibilité censée doper la compétitivité. Mais ce modèle n’incite pas à investir dans les vraies sources de compétitivité, comme la recherche et développement. La Pologne, qui en aurait particulièrement besoin, doit faire avec des taux d’intérêt très élevés. » La sortie du modèle de développement fondé sur la main-d’œuvre à bas coût, auquel l’euro pourrait contribuer, est paradoxalement un objectif affiché du gouvernement.

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