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« Au Brésil, les sciences sociales et les humanités ne sont pas un luxe »

Un collectif de plus de 1400 universitaires, parmi lesquels Judith Butler, Eric Fassin, David Paternotte ou Achille Mbembe, s’alarme, dans une tribune au « Monde », de la décision du président Jair Bolsonaro de supprimer les subventions publiques des études de sociologie et de philosophie, faute de « retour sur investissement immédiat ».

Publié le 06 mai 2019 à 16h00, modifié le 07 mai 2019 à 17h13 Temps de Lecture 2 min.

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« Le président [Bolsonaro] a précisé que l’enseignement supérieur devait se concentrer sur la lecture, l’écriture et le calcul. » (Jair Bolsonaro, à gauche, et son ministre de l’éducation, Abraham Weintraub, le 9 avril à Brasilia).

Tribune. Le 26 avril, le président brésilien, Jair Bolsonaro, a confirmé sur Twitter ce que son ministre de l’éducation, Abraham Weintraub, avait annoncé la veille : son gouvernement prévoit de supprimer les subventions publiques destinées aux études de sociologie et de philosophie.

Pour ces disciplines, il faudrait à l’avenir financer ses propres études. Tandis que le ministre a calqué son action sur le modèle de celle lancée par le Japon en 2015 [qui avait décidé de fermer les facultés de sciences humaines et sociales, ou de diminuer leur activité], le président a précisé que l’enseignement supérieur devait se concentrer sur la lecture, l’écriture et le calcul, et qu’à la place des sciences humaines l’Etat fédéral devait investir dans les domaines apportant un « retour sur investissement immédiat » au contribuable, tels que la médecine vétérinaire, l’ingénierie et la médecine.

Par cette déclaration publique internationale, les signataires mettent en garde contre les graves conséquences de telles mesures, qui ont déjà contraint le gouvernement japonais à faire marche arrière à la suite de protestations nationales et internationales.

La pensée critique n’est pas réservée aux riches

En premier lieu, l’éducation en général et l’enseignement supérieur en particulier ne peuvent pas générer de retour sur investissement immédiat ; il s’agit d’un investissement national dans les générations à venir.

Deuxièmement, les économies modernes requièrent non seulement des compétences techniques spécialisées mais une formation intellectuelle large et générale pour les citoyennes et citoyens.

Troisièmement, il ne revient pas à la classe politique, dans nos sociétés démocratiques, de décider de ce qui constitue un bon ou un mauvais savoir. L’évaluation des connaissances et de leur utilité ne doit pas être menée à l’aune de la conformité à une idéologie dominante.

Les sciences sociales et les humanités ne sont pas un luxe ; une pensée critique du monde et une compréhension rigoureuse du fonctionnement de nos sociétés ne sauraient être l’apanage des plus riches. En tant qu’universitaires de multiples disciplines, nous partageons une conviction profonde que nos sociétés, y compris celle du Brésil, ont besoin de plus – et non pas de moins – d’éducation. L’intelligence collective est une ressource économique et une valeur démocratique.

Parmi les signataires : Etienne Balibar, philosophe, Paris-Nanterre ; Seyla Benhabib, philosophe, Yale, Etats-Unis ; Michel Bozon, sociologue, Institut national d’études démographiques (INED) ; Wendy Brown, politiste, université de Berkeley, Etats-Unis ; Judith Butler, philosophe, université de Berkeley ; Sonia Corrêa, anthropologue, Sexuality Policy Watch ; Muriel Darmon, présidente de l’Association française de sociologie ; Didier Fassin, anthropologue, Institute for Advanced Study, Princeton, Etats-Unis ; Eric Fassin, sociologue, Paris-VIII ; Zeynep Gambetti, politiste, université du Bosphore - Bogazici - , Istanbul, Turquie ; Maria Filomena Gregori, anthropologue, Unicamp, Sao Paulo, présidente de l’Association brésilienne d’anthropologie, Brésil ; Sabine Hark, sociologue, Université technique de Berlin, Allemagne ; Bernard Lahire, sociologue, Ecole normale supérieure, Lyon ; Catherine Malabou, philosophe, université de Kingston, Londres, Grande-Bretagne ; Achille Mbembe, politiste, université de Witwatersrand, Johannesburg, Afrique du Sud ; Richard Miskolci, sociologue, Unifesp, Sao Paulo, Brésil ; David Paternotte, sociologue, Université libre de Bruxelles, Belgique ; Mario Pecheny, politiste, université de Buenos Aires, Conseil national de la recherche scientifique et technique (Conicet), Argentine ; Larissa Pelucio, anthropologue, université d’Etat de Sao Paulo ; Joan W. Scott, historienne, Institute for Advanced Study, Princeton, Etats-Unis ; Gita Sen, économiste, Bangalore, Inde ; Lynn Stephen, anthropologue, université de l’Oregon, présidente de The Latin American Studies Association [ LASA], Etats-Unis ; Sylvia Tamale, juriste, université Makerere, Kampala, Ouganda ; Anna Uziel, psychologue, université d’Etat de Rio de Janeiro (UERJ), Brésil ; Mara Viveros Vigoya, anthropologue, université de Colombie à Bogota (UNAL), vice-présidente de LASA.

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