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Parly : « La guerre menée par l’Arabie saoudite » au Yémen « doit cesser »

La ministre des armées a estimé que l’intervention de Riyad contre les rebelles houthistes est sans issue, une position singulièrement forte de la part d’un responsable français.

Le Monde avec AFP et Reuters

Publié le 30 octobre 2018 à 12h08, modifié le 31 octobre 2018 à 07h04

Temps de Lecture 2 min.

Une enfant yéménite souffrant de malnutrition dans un centre de traitement d’un hôpital de la province d’Hajjah, tenue par les rebelles houthistes, le 25 octobre.

La position exprimée par un membre du gouvernement français sur la guerre menée par l’Arabie saoudite au Yémen aura rarement été aussi forte vis-à-vis de Riyad. Invitée de l’émission de Jean-Jacques Bourdin sur BFM-TV, la ministre des armées, Florence Parly, a estimé mardi 30 octobre que l’intervention de la coalition emmenée par le royaume saoudien contre les rebelles houthistes au Yémen était sans issue. « Il est plus que temps [qu’elle cesse] », a-t-elle déclaré.

Mme Parly a rappelé que la guerre voulue par le tout-puissant prince héritier Mohammed Ben Salman est à l’origine d’une « crise humanitaire comme on n’en a jamais vu ». Ces propos contrastent dans une certaine mesure avec ceux exprimés vendredi par le président français, Emmanuel Macron, qui s’était borné, lors d’une conférence de presse, à rappeler que Paris avait « demandé des gages et de la clarté sur le conflit au Yémen, où nous sommes très attachés aux règles humanitaires ».

Dans une note interne consultée par l’AFP le 18 octobre, Mark Lockwood, le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les affaires humanitaires, indiquait que la crise humanitaire au Yémen, considérée par les Nations unies comme la plus grave du monde, était « directement liée au conflit », rappelant que « 75 % de la population, soit 22 millions de personnes, a besoin d’une aide et de protection, dont 8,4 millions sont en situation d’insécurité alimentaire grave et dépendent d’un apport en nourriture urgent ».

Embarras croissant

Dans le conflit qui l’oppose aux forces houthistes, appuyées de manière distante par l’Iran, l’Arabie saoudite jouit du soutien de ses partenaires occidentaux en général et des Etats-Unis en particulier. En avril, Emmanuel Macron avait résumé en ces termes la position de la France : « Plein soutien à la sécurité de l’Arabie saoudite, condamnation de l’activité balistique venant des houthistes [dont les missiles visent régulièrement le territoire saoudien], volonté de trouver une solution politique au conflit et grande exigence humanitaire à l’égard des populations civiles. »

La guerre au Yémen suscite cependant un embarras croissant dans les capitales des pays occidentaux qui fournissent des armes au royaume saoudien et dont la France fait partie. Cette gêne de plus en plus forte n’est pas seulement liée à la crise humanitaire dont l’intervention de Riyad est à l’origine mais aussi aux multiples bavures et accusations de crimes de guerre visant l’aviation saoudienne, qui mène des bombardements réguliers en territoire houthiste. Elle a atteint un pic avec le meurtre, dans le consulat saoudien d’Istanbul, du journaliste opposé au régime saoudien Jamal Khashoggi, qui pourrait indirectement avoir ouvert la voie à un regain de critiques contre l’intervention saoudienne au Yémen.

Les Etats-Unis appellent à la fin de la guerre au Yémen
La déclaration de Mike Pompeo (ici à Washington le 23 octobre) intervient alors que la question des ventes d’armes à l’Arabie saoudite a rebondi avec le meurtre de Jamal Khashoggi.

Les Etats-Unis ont appelé mardi 30 octobre à la fin de la guerre au Yémen, demandant notamment que cessent les frappes aériennes de la coalition menée par l’Arabie saoudite. Washington, qui réclame l’ouverture de négociations de paix d’ici trente jours, estime toutefois que le premier pas doit être fait par les rebelles houthistes soutenus par l’Iran, bête noire commune des Américains et de leurs alliés saoudiens. Cette nouvelle position de Washington tranche avec le soutien assidu offert par les Etats-Unis à l’Arabie saoudite de Mohammed Ben Salman depuis le début de son intervention au Yémen en mars 2015.

Elle a été annoncée par le secrétaire de la défense James Mattis, puis relayée par le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo. « L’heure est maintenant à la fin des hostilités, ce qui inclut les tirs de missiles et de drones venant de zones contrôlées par les houthistes vers le royaume d’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, a déclaré le secrétaire d’Etat dans un communiqué. Les frappes aériennes de la coalition doivent ensuite cesser dans toutes les zones peuplées du Yémen. »

James Mattis a plaidé pour le même enchaînement, appelant toutes les parties à rejoindre la « table de négociations sur la base d’un cessez-le-feu » qui verrait d’abord un retrait des rebelles houthistes de la frontière avec l’Arabie saoudite, « puis un arrêt des bombardements » de la coalition arabe. « Nous devons faire ça d’ici trente jours (…) et je pense que l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis sont prêts », a-t-il ajouté.

Changement de ton

Dans la guerre qu’elle mène avec ses alliés et notamment les Emirats arabes unis au Yémen, l’Arabie saoudite bénéficie d’une aide logistique de Washington ainsi que d’un soutien précieux en matière de renseignement de la part de ses partenaires américains. Or cette coopération fait débat aux Etats-Unis. La crise humanitaire qu’a déclenchée l’intervention saoudienne est considérée comme la plus grave de la planète par les Nations unies.

Le royaume, dont l’aviation joue un rôle majeur dans le conflit, est également accusé de crimes de guerre ainsi que de nombreuses bavures pour des bombardements aériens au bilan civil très lourd. Aux Etats-Unis, l’opposition au soutien qu’apporte Washington à Riyad se manifeste notamment au Congrès, dont certains membres, y compris dans le rang des républicains, font pression depuis des mois sur l’administration Trump afin qu’elle incite l’Arabie saoudite à faire preuve de plus de discernement dans la conduite de sa guerre voire que les Etats-Unis retirent au royaume leur soutien militaire.

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MM. Mattis et Pompeo n’en ont nullement fait mention mais le meurtre de Jamal Khashoggi, qui a considérablement affecté la crédibilité déjà déclinante de l’Arabie saoudite, a contribué à ce que cette pression s’accentue. Dans l’opinion, la question de la guerre au Yémen prend également une place croissante.

Mardi 30 octobre, le New York Times a notamment publié en une des images glaçantes d’enfants yéménites mourant de faim du fait de la crise alimentaire grave que traversent certaines régions du pays. David Miliband, président de l’International Rescue Comittee, a estimé de son côté que la position exprimée mardi par le secrétaire d’Etat américain était la percée diplomatique la plus significative depuis le début du conflit.

En France, où le gouvernement apporte officiellement son plein soutien à la sécurité de l’Arabie saoudite, jugée menacée par les forces houthistes qui, déployées sur certaines portions de la frontière avec le Yémen, tirent occasionnellement des missiles vers les villes du royaume, le ton commence également à changer. Un débat émerge notamment sur la fourniture par Paris d’armes françaises à Riyad. Mardi, la ministre française des armées, Florence Parly, a estimé pour sa part au micro de BFM-TV qu’il était « plus que temps » que ce conflit cesse.

Le Monde avec AFP et Reuters

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