Si les flammes ont ravagé, lundi 15 avril, une partie substantielle de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, de nombreux trésors liturgiques, artistiques et architecturaux ont pu être sauvés de l’incendie.
La « forêt » : perdue
La « forêt » est le surnom donné à la charpente en chêne de la cathédrale, un joyau de l’architecture médiévale vieux de huit siècles, qui n’était pas visible des visiteurs.
Cette charpente immense (cent mètres sur treize dans la nef, dix mètres de hauteur), installée vers l’an 1220, était composée d’un enchevêtrement de poutres provenant chacune d’un arbre différent. Pas moins de 21 hectares de forêt ont été nécessaires à la construction. Si certaines poutres des transepts et de la flèche avaient été changées lors de rénovations au milieu du XIXe siècle, d’autres poutres du XIIIe siècle étaient encore en place.
La « forêt » a été complètement dévorée par les flammes lors de l’incendie. La croisée du transept et une partie du transept nord se sont effondrées.
La flèche : perdue
La flèche était une sorte de tour qui s’élevait au centre de la cathédrale et culminait à 93 mètres du sol, en prenant appui sur les quatre piliers du transept.
Cette flèche avait été mise en place en 1859, à l’occasion de la rénovation menée par l’architecte Viollet-le-Duc. A sa base trônaient les statues monumentales en cuivre de douze apôtres et les représentants des quatre évangélistes. A son sommet, un coq en métal, pensé comme un « paratonnerre spirituel » protégeant les fidèles, abritait trois reliques (l’une des soixante-dix épines de la sainte couronne du Christ, une relique de saint Denis et une de sainte Geneviève). La couverture en plomb recouvrant la structure en chêne de la flèche étant très usée, d’importants travaux de rénovation avaient été lancés en 2018.
Le coq : retrouvé
Cependant, le coq positionné au sommet de la flèche, qui contient trois reliques, a été retrouvé dans les décombres, a annoncé mardi le ministère de la culture. Le président de la Fédération Française du bâtiment, Jacques Chanut, a publié sur Twitter des images du coq, endommagé après sa chute.
En revanche, les seize statues en bronze ont échappé de justesse à la disparition : elles avaient été retirées la semaine précédente et envoyées en Dordogne pour y être restaurées.
La structure, la façade et les tours : sauvées
Selon le ministre de la culture, Franck Riester, « la structure principale » de Notre-Dame a été sauvée de l’incendie, même si les pompiers continuent d’évaluer la résistance du bâtiment pour prévenir d’éventuels effondrements. Les deux tours et la façade de la cathédrale ont été épargnées par les flammes.
Le bourdon : épargné
La plus grosse cloche de Notre-Dame, le bourdon, est nichée dans la tour sud. Fondue il y a plus de trois cents ans, elle pèse plus de 13 tonnes et résonne pour les fêtes catholiques et lors des grands événements, comme la mort du pape ou l’élection d’un nouveau souverain pontife.
Le bourdon a réchappé à l’incendie.
La couronne d’épines : sauvée
La sainte couronne est la relique la plus précieuse de Notre-Dame de Paris. Posée, selon la croyance catholique, sur la tête de Jésus peu avant sa crucifixion, elle représente le symbole de la royauté du Christ.
Initialement composée de soixante-dix épines, qui furent progressivement distribuées et éparpillées à travers le monde, elle est désormais constituée d’un cercle de joncs réunis en faisceaux et retenus par des fils d’or, d’un diamètre de 21 centimètres. Conservée depuis 1896 dans un tube de cristal et d’or, elle était présentée aux fidèles de Notre-Dame de Paris chaque premier vendredi du mois.
Cette relique a été sauvée de l’incendie.
La tunique de saint Louis : sauvée
La sainte tunique est le vêtement simple que revêtit, en signe de modestie et de dépouillement, le roi de France Louis IX en 1239 lors de la cérémonie d’accueil de la sainte couronne. Celle-ci avait été rachetée à grands frais à Baudouin II de Courtenay, l’empereur latin de Constantinople.
Cette relique a été sauvée de l’incendie.
Le « trésor » : sauvé
C’est dans cet endroit, situé au sud du chœur de Notre-Dame de Paris, que sont conservés et exposés les principaux objets sacrés et reliques de la cathédrale, dont la sainte couronne, un morceau de la croix et un clou de la Passion. Ce trésor liturgique, dispersé à la Révolution, a été progressivement reconstitué depuis.
Les principales pièces du « trésor » ont été sauvées de l’incendie, selon le ministre de la culture, Franck Riester.
Les « grands Mays » : sauvés
Les chapelles de la nef abritaient treize « grands Mays », des tableaux monumentaux qui furent offerts chaque 1er mai par la corporation des orfèvres parisiens, entre 1630 et 1707 (sur un total de soixante-seize tableaux, certains ont été perdus et d’autres sont conservés ailleurs). Parmi eux, Saint-Pierre guérissant les malades de son ombre (1635) et une Conversion de saint Paul (1635), deux œuvres de Laurent de la Hyre, ainsi que La Visitation (1716), de Jean Jouvenet, un chef-d’œuvre accroché sur le mur ouest de la chapelle Saint-Guillaume.
Notre-Dame de Paris compte de nombreuses autres œuvres d’art, dont trente-sept représentations de la Vierge.
Selon le recteur archiprêtre de Paris, Mgr Chauvet, cité par France Inter, les « grands Mays » ont pu être évacués au cours de l’incendie.
Le maître-autel : probablement sauvé
L’autel principal de la cathédrale, située dans le chœur, a été installé en 1856, lors des rénovations de l’architecte Viollet-le-Duc. Cette œuvre conjointe de l’orfèvre Louis Bachelet et des sculpteurs Armand Toussaint et Louis Vuilleminot est notamment composée de plaques de cuivre clouées et de dorures obtenues par électrolyse.
Derrière l’autel se trouve une statue monumentale du sculpteur Nicolas Coustou, une Vierge éplorée recueillant sur ses genoux le corps du Christ descendu de la croix, commandée par Louis XIV et réalisée entre 1712 et 1728.
Selon les premières constatations, le maître-autel ne semble pas avoir été détruit par l’incendie. La croix qui le surmontait est encore debout. On ignore l’état de la Pieta de Coustou.
Le grand orgue : dans l’incertitude
Notre-Dame compte trois orgues, dont le plus remarquable est doté de cinq claviers, 109 jeux et près de 8 000 tuyaux.
Commencé au XVe siècle, le grand orgue s’est étoffé progressivement, jusqu’à atteindre au XVIIIe siècle sa taille définitive. Il a traversé la Révolution sans dommages, « grâce sans doute à l’interprétation de musiques patriotiques », selon le site de la cathédrale. Sa dernière restauration remonte à 2014. Les fidèles et les curieux pouvaient l’entendre lors des offices dominicaux ou de soirées de récitals.
On ignore l’état exact des orgues de Notre-Dame après l’incendie. Le ministre de la culture a indiqué, mardi matin, que le grand orgue avait « l’air d’avoir été assez atteint », tout en expliquant qu’il était trop tôt pour faire un diagnostic complet.
Selon Bertrand Cattiaux, facteur et restaurateur d’orgues installé en Corrèze, qui est chargé de l’entretien du précieux instrument, le « grand orgue a souffert mais pas de manière catastrophique ». Après avoir fait par téléphone un point avec le régisseur de la cathédrale, M. Cattiaux croit savoir que l’orgue « n’a pas souffert du feu, qu’il a été endommagé par les infiltrations d’eau des lances à incendie, mais pas de manière catastrophique ».
« L’eau a pu endommager les sommiers, qui sont des pièces maîtresses en bois, sur lesquelles reposent les tuyaux en liaison avec les cinq claviers » que compte l’instrument, a expliqué l’organier à l’AFP : « Il faudra donc d’abord évaluer les dégâts de l’eau, et éventuellement les effets de la chaleur dont auraient pu souffrir les quelque 8 000 tuyaux, notamment les tuyaux historiques datant du XVIIIe qui constituent plus de 60 % de l’ensemble. »
Les vitraux : dans l’incertitude
Notre-Dame de Paris compte de nombreux vitraux, dont trois célèbres rosaces du XIIIe siècle qui représentent les fleurs du paradis (la rose sud, la rose nord et la rose ouest).
Ces rosaces mesurant jusqu’à treize mètres de diamètre représentent les figures de la Vierge, de l’Enfant-Jésus et du Christ, entourés de médaillons figurant prophètes, saints, anges et rois.
On ignore pour l’instant l’état actuel des vitraux après l’incendie. Selon des témoins cités par France Inter, les rosaces ont tenu bon, même si certaines zones sont noircies. Mais une rosace « va peut-être devoir être démontée » en raison du plomb qui lie le verre, qui peut avoir fondu, selon Mgr Chauvet, le recteur archiprêtre de Paris.
Le mur du chœur : dans l’incertitude
Cette double clôture sépare la partie publique de la cathédrale de l’intérieur du chœur, où les chanoines se tenaient pour prier. Elle fut agrémentée au XIVe siècle de sculptures représentant la vie de Jésus, réalisées par Pierre de Chelle, Jean Ravy et Jean Le Bouteiller.
On ignore si le mur du chœur a été endommagé ou détruit par l’incendie.
Mise à jour, le 17 avril à 10h : ajout d’une précision sur les « grands Mays » (certains sont conservés ailleurs qu’à Notre-Dame).
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