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En Israël, la police recommande l’inculpation de Nétanyahou dans une troisième enquête

Le premier ministre est soupçonné de corruption, fraude et abus de pouvoir dans une affaire impliquant le groupe israélien de télécommunications Bezeq.

Par  (Jérusalem, correspondant)

Publié le 02 décembre 2018 à 12h12, modifié le 03 décembre 2018 à 07h07

Temps de Lecture 4 min.

Le premier ministre Nétanyahou (ici à Jérusalem, le 2 décembre) est menacé d’une troisième inculpation pour une affaire de corruption.

L’annonce était attendue de longue date, en raison de fuites régulières dans la presse. Elle n’en reste pas moins explosive. La police israélienne a réuni suffisamment d’éléments pour recommander l’inculpation du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, dans un troisième dossier en cours. Elle l’a révélé dans un communiqué, dimanche 2 décembre.

Le chef du gouvernement est soupçonné de corruption, de fraude et d’abus de pouvoir dans l’« affaire 4000 », dite « Bezeq-Walla », sans doute l’enquête la plus redoutable dans laquelle il apparaît. Sa femme, Sara, est aussi mise en cause. Les faits se seraient produits entre 2014 et 2017, période pendant laquelle M. Nétanyahou occupait également la fonction de ministre des communications.

Les enquêteurs estiment que le chef du gouvernement a promu, à l’époque, des réglementations favorables au groupe de télécommunications Bezeq, appartenant à un proche, Shaul Elovitch. En échange, celui-ci aurait organisé une couverture très positive pour le premier ministre et son épouse, Sara, par le site d’informations en ligne Walla News.

La police dit avoir trouvé la preuve que « Nétanyahou et ses proches sont intervenus de façon ouverte, parfois quotidienne, dans le contenu publié sur le site Walla News, et ont cherché à influer sur la promotion d’employés (rédacteurs en chef et reporters), tout en utilisant leurs liens avec Shaul et [son épouse] Iris Elovitch. » Le site aurait multiplié les articles favorables et les photos flatteuses pour le couple Nétanyahou.

Après les élections remportées en mars 2015, M. Nétanyahou avait promu comme directeur du ministère des communications son directeur de campagne, Shlomo Filber. Les deux hommes se connaissaient depuis le milieu des années 1990. Confident du premier ministre, cet avocat de formation a accepté, au début de l’année, de passer un accord avec les enquêteurs, en devenant un témoin à charge. Ses auditions pèsent lourd dans les recommandations de la police, en faveur d’une inculpation.

L’opposition demande la démission de M. Nétanyahou

Celle-ci dépend à présent d’un homme, le procureur général, Avichai Mandelblit. Ancien secrétaire du cabinet du premier ministre, ce juriste avance à pas très comptés, malgré les soupçons de l’opposition et de la presse qui lui reprochent de faire traîner les enquêtes.

Le procureur général dit ne pas indexer le calendrier judiciaire sur celui des élections. Pourtant, cette menace au-dessus de M. Nétanyahou est déterminante dans ses projets pour obtenir un cinquième mandat. Sa stratégie est claire : mettre sous haute tension les rapports entre l’exécutif et le pouvoir judiciaire. Dimanche, le premier ministre a, une nouvelle fois, vivement attaqué la police lors d’un rassemblement de militants du Likoud. Il a dénoncé une « chasse aux sorcières », en prétendant que les conclusions de l’enquête Bezeq-Walla étaient écrites avant même son ouverture. M. Nétanyahou a aussi estimé qu’il n’était « pas correct, dans une démocratie, que la police enquête sur les liens entre les responsables politiques et les médias ».

Ce même jour, sans surprise, différentes figures de l’opposition ont appelé à sa démission. L’entourage du premier ministre prépare l’opinion publique de longue date, en soulignant que la loi ne l’obligerait pas à démissionner en cas de mise en examen, contrairement à un simple ministre. La date prévue des élections est en novembre 2019, mais la coalition actuelle est réduite à la plus courte des marges (61 députés sur 120) depuis la démission du ministre de la défense, Avigdor Lieberman.

La majorité ressemble à un fruit très mûr, susceptible de tomber d’un jour à l’autre en fonction de telle ou telle crise. Dimanche, la Haute Cour de justice a accordé au gouvernement un délai de six semaines – au lieu des quatre mois demandés – pour passer enfin une nouvelle législation sur la conscription pour les ultraorthodoxes. Ce sujet essentiel pourrait servir de prétexte, faute de compromis, à une dissolution de la Knesset.

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L’ambiance politique est déjà très tendue. La presse israélienne souligne que les nouvelles conclusions des enquêteurs sont publiées dans les dernières heures du mandat du chef de la police, Roni Alsheich, un religieux nommé par le premier ministre. Le camp Nétanyahou fait passer le message, depuis des mois, que ce dernier chercherait à faire tomber le chef du Likoud. En février, la police avait déjà recommandé l’inculpation du dirigeant israélien dans deux autres enquêtes pour corruption.

Une volonté obsessionnelle de contrôler la presse

Dans le « dossier 1000 », le couple Nétanyahou et son fils Yaïr sont suspectés d’avoir bénéficié des largesses d’un producteur à Hollywood, Arnon Milchan, et du milliardaire australien James Packer, pour un montant total de 1 million de shekels (229 000 euros).

Le premier leur aurait fourni champagne et cigares, ainsi que des bijoux pour Sara Nétanyahou. Les enquêteurs auraient identifié des demandes précises de cadeaux. En contrepartie, M. Nétanyahou aurait facilité une législation réduisant les impôts pour les Israéliens qui ont séjourné longtemps à l’étranger. Il aurait aussi aidé M. Milchan à prolonger son visa aux Etats-Unis et à promouvoir ses intérêts sur le marché de la télévision en Israël. La police demande aussi l’inculpation de M. Milchan.

La seconde affaire, le « dossier 2000 », met en cause les liens entre M. Nétanyahou et le propriétaire du quotidien Yediot Aharonot, Arnon Mozes, lui aussi visé par la police. Celle-ci dispose d’enregistrements où les deux hommes envisagent un pacte compromettant aux dépens de Sheldon Adelson. Ce magnat des casinos aux Etats-Unis a créé, en 2007, Israel Hayom, un quotidien gratuit à grand tirage, surnommé « Bibiton » en raison de sa couverture pro-Nétanyahou. Dans ses conversations avec Arnon Mozes, M. Nétanyahou propose pourtant de soutenir un projet de loi pour réduire la circulation d’Israel Hayom, grand rival du Yediot. En échange, Arnon Mozes organiserait une couverture plus favorable de la part de son propre journal.

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M. Nétanyahou prétend qu’il ne s’agissait que d’une conversation à bâtons rompus, sans engagement, et il décrit comme banals les rapports entre un premier ministre et les patrons de presse. Il est probable qu’il utilisera le même argument, dans le « dossier 4000 », pour justifier ses contacts avec Shaul Elovitch, le propriétaire de Bezeq. Ces deux affaires montrent une obsession de longue date du premier ministre en matière de contrôle des médias, dans un pays où le pluralisme des journaux demeure remarquable.

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