Les grottes indonésiennes redessinent la préhistoire de l’art. Il y a quatre ans, des représentations de deux animaux, dont un cochon doté de défenses, découvertes sur les parois calcaires d’une caverne de Sulawesi (Célèbes), en Indonésie, étaient datées de 35 000 ans environ – ce qui en faisait les contemporaines des gravures rupestres de la première phase d’occupation de la grotte Chauvet (Ardèche).
La même équipe de chercheurs présente, dans Nature daté du 8 novembre, de nouvelles datations de gros mammifères dessinés cette fois dans une grotte de la partie indonésienne de l’île de Bornéo : ces représentations remonteraient au minimum à 40 000 ans, ce qui en fait les plus anciens vestiges d’art rupestre figuratif connus à ce jour.
La nouveauté ne tient pas à la découverte de nouvelles peintures – elles avaient été décrites dans les années 1990 par des expéditions franco-indonésiennes, qui avaient notamment exploré la grotte de Lubang Jeriji Saleh –, mais aux nouvelles datations à l’uranium-thorium effectuées sur des échantillons de calcite. Ces coulées minérales recouvrent parfois les dessins, ou les dessins les recouvrent, ce qui permet de déduire un âge respectivement minimal et maximal. « En vingt-cinq ans, la technologie a beaucoup changé et on peut travailler sur de plus petits échantillons », souligne Maxime Aubert (université Griffith, Australie), premier auteur de l’article publié dans Nature.
Figures humaines stylisées
L’expédition codirigée par l’archéologue indonésien Pindi Setiawan (Institut de technologie de Bandung), pionnier de l’étude de ces grottes karstiques, a donc effectué des prélèvements qui ont permis de mieux dater les changements stylistiques qu’elles ont abrités au fil des âges.
Les animaux ocre de 40 000 ans, représentant peut-être un bœuf sauvage local ou un ruminant aujourd’hui disparu, étaient accompagnés de mains dessinées au pochoir. Difficile de dire s’ils étaient strictement contemporains, mais des dates maximales et minimales pour les mains (de 51 000 à 37 000 ans) recouvrent la période animalière, et la couleur est sensiblement la même.
Une deuxième phase – datée de 21 000 à 14 000 ans au minimum – est ensuite dominée par des mains mauves, rassemblées en différentes compositions et parfois couvertes de lignes peintes de taches et de pointes ou reliées entre elles. « Ces signes représentaient peut-être des tatouages ou des marques d’identification sociale », tandis que les lignes « auraient pu symboliser des relations parentales », avancent les chercheurs dans Nature. Cette période se caractérise aussi par des figures humaines stylisées, toujours en mauve, aux chevelures élaborées, et parfois armées de propulseurs, ou dansantes.
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