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Actes antisémites et islamophobes : un décompte délicat à établir

Si le nombre d’actes antisémites a augmenté en 2018, leur décompte connaît de grosses limites méthodologiques et pourrait être sous-estimé.

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Publié le 12 février 2019 à 16h10, modifié le 12 février 2019 à 17h33

Temps de Lecture 3 min.

Un tag antisémite dans le 13e arrondissement de Paris, le 11 février.

Après un week-end marqué par une série d’actes antijuifs perpétrés en région parisienne, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a mis en garde, lundi 11 février, contre une flambée de la violence antisémite, en mettant en avant la progression de 74 % de ces actes en 2018. Un chiffre affolant, qui pose une nouvelle fois la question de la fiabilité des comptages des actes racistes, devenus un baromètre du débat public français.

Un recensement repris par les communautés

La plupart des bilans des actes racistes, antisémites ou antimusulmans émanent d’organisations communautaires.

Pour la communauté juive, c’est le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) qui se charge de diffuser régulièrement des bilans. L’organisation de représentation politique des juifs de France s’appuie pour cela sur le décompte du Service de protection de la communauté juive (SPCJ, voir par exemple son dernier rapport annuel) : un organe créé au lendemain de l’attentat de la rue Copernic (1980) pour recenser les actes antisémites sur le territoire français, que le CRIF sponsorise aux côtés des consistoires (représentations religieuses du judaïsme en France) et du Fonds social juif unifié (un regroupement d’associations qui agissent sur le terrain social pour la communauté juive). C’est sur ce chiffre que Christophe Castaner a appuyé ses propos le 11 février.

Du côté de la communauté musulmane, deux institutions se disputent le décompte des actes visant les Français pour leur pratique de l’islam :

  • L’Observatoire national contre l’islamophobie, créé en 2011 sous l’égide du Conseil français du culte musulman (CFCM) ;
  • Le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), un réseau indépendant créé en 2003, mais « vraiment actif depuis 2010 », comme l’expliquaient en 2013 à l’Agence France-Presse Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed, auteurs de l’ouvrage Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman » (La Découverte, 2013). Le CCIF comptait à l’époque trois juristes salariés à plein temps.

Des chiffres sous-estimés ?

Ces indicateurs ne sont pas pour autant dépourvus de toute validation officielle. Le Service de protection de la communauté juive et l’Observatoire national contre l’islamophobie travaillent en effet avec le ministère de l’intérieur pour récolter leurs chiffres. Des chiffres généralement corroborés par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans ses rapports annuels, qui cite également le ministère de l’intérieur comme source.

Les actes antisémites, antimusulmans ou les autres actes racistes recensés par ces différents rapports correspondent donc à l’ensemble des « actions » (attentats, violences, incendies…) et des « menaces » (propos, gestes, écrits) qui ont fait l’objet d’une plainte ou d’une main courante auprès de la police.

Une méthodologie qui a l’avantage d’être plutôt « rigoureuse », mais revêt l’inconvénient d’écarter tous les actes qui restent en dehors des radars de la police. Or, comme l’expliquait début 2014 le sociologue Marwan Mohammed au Monde :

« Le recensement des plaintes pour mesurer l’islamophobie est une donnée relativement fragile. Dans les études de victimation, on remarque que le taux de plainte est plutôt faible sur ces questions. Nous ne disposons pas non plus d’étude précise sur l’accueil qui est réservé aux victimes d’islamophobie par les policiers. Et la plainte peut ensuite être requalifiée, par exemple en incitation à la haine raciale. »

Comme le rappelle la CNCDH, « on estime que seuls 6 % des injures racistes seraient signalés aux autorités, et 3 % seulement seraient enregistrés au titre de plaintes. Pour les menaces racistes, un tiers des faits seraient signalés, et 19 % seulement seraient enregistrés au titre de plaintes ».

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En outre, des changements de méthodes au sein des services policiers et des définitions des actes « racistes », « xénophobes » et « antisémites » peuvent aussi provoquer d’importantes fluctuations statistiques d’une année sur l’autre.

C’est pour pallier ces lacunes que le Collectif contre l’islamophobie en France a décidé de compter les actes islamophobes par ses propres moyens : plutôt que de reprendre les chiffres du ministère de l’intérieur, il s’appuie sur les remontées directes des victimes, qu’il assure vérifier à l’aide de documents et de témoignages. Résultat : il recense 446 actes islamophobes en 2017, quand l’Observatoire national contre l’islamophobie n’en compte que 82.

Le nombre d’actes antisémites explose-t-il vraiment ?

En citant les chiffres des actes antisémites pour 2018, le ministère de l’intérieur a déclaré que « l’antisémitisme se [répandait] comme un poison ». S’il est vrai que ce bilan inquiétant représente une hausse de 74 % sur un an, il se situe malheureusement dans la moyenne des dernières années. Les années 2014 et 2015 avaient ainsi connu une hausse brutale, avec plus de 800 actes recensés par année, dont 200 à 240 cas de violences physiques.

Evolution des actes antisémites recensés

Les actes antisémites se décomposent entre actions et menaces. Avant 2008, les chiffres ne sont pas suffisamment consolidés pour faire la distinction, de même qu'en 2018.

Il ne faut pas non plus oublier un constat glaçant répété chaque année par le CRIF : les juifs sont la cible à eux seuls de plus de 50 % des violences racistes, alors qu’ils représentent à peine 1 % de la population française (environ 550 000 personnes).

Une proportion largement supérieure à celle des actes islamophobes par rapport à la communauté musulmane (entre 2 et 5 millions de personnes, selon les sources et la définition).

Actes racistes, xénophobes et antisémites

Ce décompte regroupe les actions violentes et les menaces.
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