Bonnes feuilles. Combien de fois pendant ces longs mois ai-je entendu ces mots : « Député, moi je ne savais pas trop ce que c’était. » En juin 2018, je pénètre dans le « périmètre sacré », une zone de l’Assemblée nationale normalement interdite à ceux qui ne sont ni députés ni collaborateurs. J’accompagne Carole Bureau-Bonnard dans son bureau. Sur son passage, les huissiers donnent du « madame la présidente » à l’ancienne kinésithérapeute de Noyon [Oise].
Il y a un an, elle a été élue vice-présidente de l’Assemblée nationale. Ses premiers pas ont été difficiles dans l’arène de l’hémicycle où elle a reconnu s’être laissé « déborder ». Dans son bureau, quelques chemisiers de rechange l’attendent pendus à un portant. Sur son bureau, des dossiers thématiques. Elle est chargée de la diplomatie parlementaire, multiplie les dîners et les voyages à l’étranger.
Quand je l’interroge sur la vision qu’elle avait du député avant d’être élue, cette petite femme de 52 ans, les cheveux coupés court, en éternel tailleur-pantalon, hésite : « C’est un peu difficile de se rappeler avant, on est tellement dans nos fonctions aujourd’hui… » Et puis ça lui revient : « Je n’étais jamais venue à l’Assemblée nationale. Quand j’ai été élue, je me suis dit : “Mais où je vais me retrouver ?” Ce qu’on connaissait c’était l’hémicycle, les questions au gouvernement, les interviews. Les extraits qu’on voit au journal télévisé. On sait que c’est la fabrique de la loi, mais je me disais : “Je vais apprendre.” » Elle ne le sait pas encore mais dans quelques mois elle sera, le temps d’un intérim, présidente de l’Assemblée nationale, quatrième personnage de l’Etat.
Une vision erronée
De nombreux députés me racontent aussi avoir eu une vision erronée de la politique. Avoir été portés vers le pouvoir avec des a priori négatifs sur ce qu’était ce monde dont ils connaissaient surtout l’écume, la partie sulfureuse. Beaucoup moins le sacerdoce quotidien que vivent depuis des années des centaines de députés anonymes, petites mains de la politique. Une seule image le résume : « Avant d’être élue j’hallucinais de voir l’hémicycle aux trois cinquièmes vide », résume Fiona Lazaar, 33 ans. (…) Avant d’être élus, de nombreux députés LRM promettaient de ne pas être ces députés déserteurs. Ils ont d’ailleurs surpeuplé le Palais-Bourbon en début de mandat, comme de bons élèves exemplaires. Malgré ce regain d’activité, quelques mois plus tard, ce sont pourtant les mêmes rangs vides que je contemple depuis la tribune réservée à la presse, juste au-dessus de leurs bancs.
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