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Une maison d’édition jeunesse réhabilite les écrivaines « plumées » par le patriarcat

Dans une collection à destination des adolescents et jeunes adultes, l’éditeur français Talents hauts redécouvre et republie des autrices oubliées.

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Publié le 26 février 2019 à 15h06, modifié le 26 février 2019 à 15h06

Temps de Lecture 3 min.

De gauche à droite : Renée Vivien (1877-1909), Marguerite Audoux (1863-1937) et Judith Gautier (1845-1917).

Si l’on vous demande de citer sans réfléchir des noms d’écrivains français célèbres, peut-être vous en viendra-t-il au moins une dizaine à l’esprit. Reproduisez l’expérience avec des femmes de lettres, et vous verrez que la tâche est plus ardue. Peut-être peinerez-vous, une fois Colette, George Sand ou Marguerite Duras évoquées ?

Un constat que partage Laurence Faron, fondatrice et directrice des éditions jeunesse Talents hauts. Pourtant, lorsque celle-ci a cherché des autrices oubliées pour inaugurer sa nouvelle collection à destination des adolescents, « Les Plumées », elle a découvert des centaines de textes allant du Moyen Age au XXsiècle. Certains n’ont pas été réédités depuis des dizaines d’années. « Un énorme travail de corpus », résume la directrice, qui a passé tout l’été 2018 avec deux de ses collaboratrices à lire et dénicher les bons textes.

L’ampleur de sa tâche est corroborée par le travail du critique littéraire Eric Dussert, publié à l’automne 2018. Il y répare un biais commis avec un précédent ouvrage, Une forêt cachée, compilation de plus de 150 auteurs oubliés, dans laquelle figuraient seulement dix-sept femmes. Dans ce nouvel opus, Cachées par la forêt (La Table ronde), il « corrige les défauts de [son panorama] » en le consacrant exclusivement à des biographies de femmes de lettres. Plus de 130 au total.

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Un grand succès de leur vivant

« Au vu des textes patrimoniaux et des programmes scolaires, dans lesquels figurent peu de femmes, on pourrait penser que celles-ci ont moins tenu la plume que les hommes. Mais on se rend vite compte que, comme dans d’autres domaines, les femmes ont été invisibilisées, copiées, spoliées par le patriarcat », défend Laurence Faron. D’où le choix des « Plumées » en guise de nom. Ironie du sort, une grande partie d’entre elles a connu de son vivant un succès auprès des pairs et des lecteurs avant de tomber dans l’oubli.

Talents hauts a inauguré cette nouvelle collection, jeudi 21 février, avec trois réhabilitations : Une femme m’apparut, écrit en 1905 et rebaptisé L’Aimée, l’une des rares œuvres de prose de la poétesse Renée Vivien ; Isoline, écrit en 1882 par Judith Gautier, première femme membre de l’académie Goncourt ; et enfin, le premier livre à recevoir le prix Femina en 1910, Marie-Claire, roman social de Marguerite Audoux.

En 2019, une dizaine de femmes devraient se serrer les coudes sur l’étagère des « Plumées », parmi lesquelles Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, à qui Disney a emprunté La Belle et la Bête, ou la salonnière Fanny de Beauharnais.

Des aventures d’héroïnes ordinaires

Dès sa naissance, en 2005, la maison d’édition s’était fixée dans ses objectifs « d’être attentive à toutes les discriminations, dont le sexisme », rappelle sa fondatrice qui, après #metoo, s’est interrogée sur ce que Talents hauts pouvait apporter à ce sujet dans le paysage de l’édition jeunesse. « Le féminisme commence à être à la mode, y compris dans la littérature jeunesse, mais l’on revoit souvent les mêmes parcours des mêmes femmes que l’on dit “inspirantes”, à l’image de Marie Curie ou de Frida Kahlo », détaille-t-elle. Elle précise :

« C’est très bien que cela existe, mais je me suis dit que ces parcours extraordinaires peuvent aussi s’avérer écrasants pour des plus jeunes. Là où la littérature est pleine de garçons ordinaires héros de romans d’aventures, chez les filles on a tendance à surtout développer le phénomène de la super-héroïne, avec l’idée qu’il faut toujours être au niveau. Il y a peu de modèles de filles ordinaires. »

Un besoin d’aventures ordinaires qui a guidé Laurence Faron et son équipe pour le choix des textes. Les romans proposés devaient aussi pouvoir être accessibles et plaisants à des adolescents. Des histoires d’amour, de familles, d’aventures, de voyages, qui ne doivent pas non plus être trop passéistes ou véhiculer d’idées problématiques. Par exemple, des propos exotisants et racistes, banalisés à certaines époques.

Ainsi, L’Aimée raconte la passion dévorante et destructrice entre l’héroïne et une femme. Dans Isoline, Judith Gautier aborde les relations sentimentales, mais aussi la complexité d’une relation père-fille. Sans doute a-t-elle puisé dans celle qu’elle a entretenue avec son père, le romancier Théophile Gautier. Marie-Claire conte l’histoire d’une orpheline devenue bergère jusqu’à ce qu’une déception amoureuse la force à tenter sa chance à Paris.

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En les proposant dans un format et un tarif de poche, la maison d’édition espère que ces plumes oubliées viendront chatouiller la curiosité des plus jeunes, mais aussi des enseignants.

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