« Il est évident que la plus belle période de ma carrière est liée au Festival de Bayreuth », constatait Theo Adam à l’aube de ses 80 ans. Le baryton-basse allemand est mort le 10 janvier, à 92 ans, dans une maison de retraite de sa ville natale, Dresde. Pendant près de trois décennies, de 1952 à 1980, le chanteur wagnérien s’est en effet imposé comme un pilier de la Colline verte, où il a incarné treize étés durant, entre 1963 à 1975, le dieu Wotan de L’ Anneau du Nibelung, notamment dans le cycle mis en scène par Wieland Wagner.
Il a également triomphé en Hans Sachs des Maîtres chanteurs de Nüremberg (il y avait débuté dans le petit rôle d’Ortel), en roi Henry dans Lohengrin, en Landgrave dans Tannhäuser, interprétant tour à tour Amfortas, Gurnemanz et Titurel dans Parsifal, Fasolt dans L’Or du Rhin ou le rôle-titre du Vaisseau fantôme. Sa haute prestance, sa puissance (quand bien même la voix recelait des vulnérabilités et des froideurs), son art du phrasé, ainsi que sa présence scénique, en firent naturellement le successeur d’Hans Hotter et de George London.
En 1956, il devient l’un des rares chanteurs de la RDA autorisé à faire carrière à l’Ouest
Fils d’un peintre en décoration, Theo Adam est né le 1er août 1926. A 11 ans, il chante dans le fameux Chœur de l’Eglise de la Croix de Dresde (Dresdner Kreuzchor), où il reçoit une solide formation, se produisant parfois en soliste. Au retour de la guerre, où il a été enrôlé peu avant la fin du conflit et, prisonnier, a travaillé comme ouvrier agricole, il devient instituteur tout en étudiant avec l’ancien « Heldentenor » Rudolf Dittrich, de 1946 et 1949, date à laquelle il entre à l’Opéra de Dresde. S’il débute en 1953 dans la troupe de la Staatsoper de Berlin-Est, c’est à Francfort-sur-Main qu’il se fait remarquer en 1956 dans Les Noces de Figaro, de Mozart, devenant l’un des rares chanteurs de la RDA autorisé à faire carrière à l’Ouest.
Sur les conseils du chef d’orchestre Hans Knappertsbusch, Theo Adam a troqué le répertoire de basse pour celui de baryton-basse, dont il conquerra la tournure « héroïque », ce que lui permet une voix grave certes, mais à la tessiture élevée. La largeur de son répertoire en témoigne, qui couvre une centaine de rôles : Wagner et Richard Strauss, mais aussi Mozart (Don Giovanni, La Flûte enchantée), Verdi (Don Carlo), Berg (Wozzeck et Lulu).
Hôte régulier de la Staatsoper
Invité sur les grandes scènes internationales à partir des années 1970, du Covent Garden de Londres (notamment en Wotan dans La Walkyrie en 1976) à l’Opéra de San Francisco, en passant par Buenos Aires, Chicago, Lisbonne, Rome, Paris et l’Europe soviétique, Theo Adam privilégie cependant l’Allemagne et l’Autriche. Vienne, notamment, où, dès 1954, il chante Sarastro (La Flûte enchantée) au Theater an der Wien, avant le Fidelio de Beethoven (Pizarro) mis en scène en 1970 par Otto Schenk sous la direction de Leonard Bernstein pour le bicentenaire de la naissance du compositeur. Mais aussi et surtout à la Staatsoper, dont il est l’hôte régulier de 1967 à 1997, assurant en trente ans quelque 253 représentations, dont 24 Wotan et 24 Don Giovanni. Au Festival de Salzbourg enfin, où il incarne dès 1969 un désopilant Baron Ochs dans Le Chevalier à la Rose de Strauss et, trois ans plus tard, le rôle-titre du Wozzeck de Berg qui reste l’un de ses triomphes.
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