Tribune. Dans une tribune du 9 février, Elisabeth Roudinesco décrit le déclin de la psychanalyse en France. De manière peu charitable pour ses collègues ayant encore des prétentions, elle narre comment les psychanalystes ont perdu leur prestige d’explorateurs intrépides des profondeurs de l’âme. Elle décrit et déplore un champ de ruines dans lequel la psychanalyse n’est plus qu’une parmi d’innombrables formes de psychothérapie, tandis qu’elle-même est balkanisée et vieillissante.
Cette situation serait grave parce qu’avec la psychanalyse disparaîtrait un pan de notre culture, mais aussi une approche centrée sur le sujet, « humaniste », de la santé mentale. Elle appelle donc au soutien de l’unité de formation et de recherche (UFR) d’études psychanalytiques de l’université Paris-VII, et présente la démission de trois membres de la section « psychologie » du Conseil national des universités (CNU) comme un acte de résistance face au scientisme – le mot est fort –, qui aurait contaminé la psychologie.
Perte d’aura
Pour ce qui est du diagnostic, nous suivons Elisabeth Roudinesco : la psychanalyse n’a plus l’aura qu’elle avait pu avoir. Peut-être que la position que Freud avait voulu lui conférer, pas tout à fait en dehors, ni complètement intégrée à la psychologie et à la médecine mentale, lui a-t-elle permis de prospérer au XXe siècle : cible mouvante alimentée par la force de brillants esprits, elle était difficile à surpasser.
Mais c’était aussi un piège : car malgré tout, en ce qui concerne la santé, à la fin, il faut rendre des comptes. Le constat est intellectuellement brutal, mais du point de vue clinique, de subtiles distinctions comme celle qu’Elisabeth Roudinesco maintient entre psychologie et psychanalyse comptent moins que les effets d’une cure.
En France, l’évaluation des psychothérapies organisée en 2004 par le ministère de la santé et confiée à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) fut un de ces moments de comptes. Deux grandes associations de familles et personnes souffrant de troubles mentaux, l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam) et la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy), avaient insisté pour qu’elle se fasse afin que les patients aient droit aux mêmes informations concernant l’efficacité des différentes prises en charge que ceux atteints d’autres maladies graves (cancer, cardiopathie, diabète, etc.).
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