Pour ses détracteurs, il est « le crocodile » ou « le requin ». Ahmed Saleh Al-Essi occupe une place enviée dans l’économie de guerre qui s’est enracinée au Yémen. Depuis mars 2015, une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite y a dépensé des dizaines de milliards d’euros, dans sa lutte sans fin contre la rébellion houthiste.
L’Etat s’est écroulé, les profiteurs de guerre pullulent. Ils sont un obstacle à la paix, alors qu’un dialogue entre les rebelles et le gouvernement s’est ouvert, le 6 décembre près de Stockholm, en Suède. M. Al-Essi est l’un des premiers parmi ces gâcheurs, selon ses critiques.
« Tout passe par lui… Tout sauf l’air » Un membre du gouvernement
Conseiller du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, il appartient au premier cercle, étroit, duPalais des hôtes, où M. Hadi loge à Riyad, et où il a passé l’essentiel de son temps en exil depuis 2015. On lui prête dans ce panier de crabes une influence démesurée : « Tout passe par lui… Tout sauf l’air », résume, à Riyad, un membre du gouvernement qui souhaite rester anonyme.
A 51 ans, cet homme d’une exquise politesse, à la voix feutrée, est l’un des principaux importateurs de produits pétroliers au Yémen, dont la production domestique a drastiquement chuté durant la guerre. Il dispose d’un monopole de fait sur les livraisons d’essence au grand port d’Aden (Sud), pour lequel le gouvernement lui verse, selon sa propre estimation, de 30 à 40 millions de dollars chaque mois (26 à 35 millions d’euros).
Petit entrepreneur obscur d’Hodeïa
Au Semiramis, un palace du Caire où il nous a donné rendez-vous en septembre, M. Al-Essi relativisait son influence : « J’aide le gouvernement et non pas Hadi personnellement. Je leur fais crédit : ils me paient parfois avec six mois de retard. Ce n’est pas politique, je fais ça pour le pays. » M. Al-Essi a bâti sa fortune grâce au port d’Hodeïda, sur la mer Rouge, au débouché d’un pipeline qui achemine la production de brut des zones désertiques de l’est du Yémen.
Ce petit entrepreneur obscur y prend en charge, au début des années 1990, le transport maritime du brut et de l’essence raffinée entre les ports du pays. Il est lié à l’aristocratie du régime d’Ali Abdallah Saleh (au pouvoir de 1978 à 2011). On l’accuse de trafiquer de l’essence, accordée aux fidèles à prix subventionné, pour la revendre en Afrique de l’Est, via l’île yéménite de Socotra, dans l’océan Indien, qui demeure aujourd’hui l’une de ses prébendes.
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