Son discours était sur le point de se conclure quand Jair Bolsonaro, grisé par sa victoire, s’est saisi du drapeau brésilien pour le faire tournoyer devant lui.
Comme ivre de bonheur, le nouveau chef d’Etat lance à la foule en liesse : « Ceci est notre drapeau qui jamais ne sera rouge [couleur de la gauche, celle du Parti des travailleurs, qu’il hait]. S’il doit être rouge, ce sera de notre sang pour le maintenir jaune et vert. » Derrière lui, son vice-président, le général Hamilton Mourao, affiche un sourire crispé. Nous sommes le 1er janvier, à Brasilia. Jair Bolsonaro, 64 ans, capitaine de l’armée, est investi à la tête de l’Etat brésilien.
Miraculé, le leader de l’extrême droite que ses fans appellent « mito » (le mythe) a remporté l’élection, le 28 octobre 2018, face à son adversaire Fernando Haddad du Parti des travailleurs (PT, gauche), porté par une formation sans envergure et sans moyens, après avoir réchappé, de justesse, à l’attaque au couteau d’un déséquilibré.
En ce premier jour de 2019, deux mois après son élection, Jair Bolsonaro ne cherche pas à se présenter en chef d’Etat prêt à rassembler le pays. Confirmant sa réputation de « Trump des tropiques », il reste ce candidat éruptif, prompt à fustiger ses ennemis de toujours : le socialisme, les médias ou les droits de l’homme qui, selon lui, défendent les malfrats au détriment du « citoyen de bien ».
Le retour à la réalité est brutal
Au terme de cent jours du mandat du militaire, ce constat n’a fait que se renforcer. « Jair Bolsonaro n’a jamais revêtu le costume présidentiel. Il a donné au fil des semaines le sentiment de n’avoir aucune notion d’éthique, de morale ou de respect nécessaire à sa fonction », note Silvio Costa, responsable du site d’actualité parlementaire, Congresso em Foco. Un malaise ressenti par tous, y compris par l’intéressé : « Je m’excuse pour mes erreurs, je ne suis pas né pour être président, je suis né pour être militaire », a confié Jair Bolsonaro, vendredi 5 avril.
Le Brésil, meurtri par une récession historique, un chômage de masse et des scandales de corruption en pagaille, avait placé ses espoirs dans ce personnage hors norme qui promettait de balayer le vieux monde politique. Le retour à la réalité est brutal. En moins d’un trimestre, l’état de grâce propre à tout nouveau président a pris fin.
Jair Bolsonaro ne récolte plus que 34 % d’opinions positives, indique un sondage Ibope publié le 20 mars, contre 49 % en janvier. Un score médiocre confirmé par l’institut Datafolha le 7 avril qui crédite le président de 32 % d’approbations. Soit moins que Lula en 2003, que Dilma Rousseff en 2011 ou que Fernando Collor, en 1990, avant qu’il ne soit destitué deux ans plus tard. La débâcle est telle qu’Hélio Schwartsman, éditorialiste au quotidien Folha de Sao Paulo, s’interroge fin mars : « Bolsonaro va-t-il terminer son mandat ? »
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