Dès 2022, le concours pour devenir enseignant interviendra en deuxième année de master et non plus en première année. C’est ce qu’ont récemment confirmé les ministres de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal, tout en annonçant une concertation sur une refonte de la formation des enseignants. Quelles sont les difficultés rencontrées aujourd’hui par les jeunes enseignants durant leur formation ? Pourquoi ont-ils plus de difficultés que leurs aînés à construire leur identité professionnelle ? Où puisent-ils leur légitimité ? Les réponses du professeur en science de l’éducation Pierre Périer, qui signait fin février dans les Entretiens Ferdinand Buisson (ENS Editions) un texte sur l’identité enseignante.
Nombre de néo-enseignants ressentent un décalage important entre ce qu’on leur apprend dans les écoles de formation et l’expérience vécue en classe. En 2019, la formation des enseignants français est-elle bien adaptée aux réalités du métier ?
La formation dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPÉ), appelées à devenir des instituts nationaux (Inspé), prépare à l’exercice du métier par l’acquisition de gestes professionnels, d’outils pédagogiques et de postures enseignantes. C’est dans le va-et-vient entre ces apports et le retour d’expérience des étudiants en stage dans les établissements que se fait l’apprentissage du métier.
Mais dès leur période de stage, les enseignants ont aujourd’hui affaire à une diversité des tâches, des publics et des situations d’exercice qui rend difficile l’aller-retour simultané entre la théorie et la pratique. Les formateurs ne peuvent pas, dans le peu de temps qu’ils ont, embrasser la diversité des situations rencontrées. Les jeunes enseignants peuvent alors être frustrés, qui plus est dans une période où ils découvrent la réalité du métier qu’ils avaient imaginé, ou ils doivent faire le deuil de certains idéaux. Se met alors souvent en place une « formation en coulisses » entre pairs, informelle, entre stagiaires qui partagent leurs expériences, leurs désillusions et leurs réussites.
Comment faire évoluer cette formation ? Les évolutions annoncées par le gouvernement vont-elles dans le bon sens ?
La formation initiale est de plus en plus nécessaire et de moins en moins suffisante. On se trompe de modèle d’analyse lorsqu’on cherche la formule magique que l’on pourra transmettre en un ou deux ans à des enseignants tout terrain capables de s’adapter à la diversité des situations qui se présentent à eux. L’enjeu est celui de la réflexivité des professeurs, de réussir à ce qu’ils soient en mesure d’interroger et de faire évoluer leurs pratiques. En jonglant avec les compétences didactiques, relationnelles, de construction des savoirs, de gestion de classe et de participation des élèves. Cette souplesse-là, ils doivent en effet aujourd’hui l’acquérir essentiellement de manière individuelle, sur le terrain.
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