Romancière, nouvelliste, auteure de récits personnels et de livres pour la jeunesse, administratrice de la Société des gens de lettres (SGDL), dont elle fut vice-présidente, Pierrette Fleutiaux, morte mercredi 27 février à Paris d’une maladie cardiaque – elle avait 77 ans –, était depuis les années 1970 une figure familière du milieu littéraire français. Un milieu qu’elle a marqué, comme le souligne l’écrivaine Laure Limongi sur Twitter, par son « énergie généreuse », qui faisait d’elle, selon les mots de Carole Zalberg, secrétaire générale de la SGDL, sur le site de l’association, la « pétulante (…) marraine universelle des bébés écrivains ».
Ses premiers textes ont pourtant davantage frappé par leur étrangeté, leur force corrosive, l’angoisse presque panique qui les traversait, que par la radieuse sérénité dont ses proches témoignent aujourd’hui. Il est vrai que sa vie a semblé suivre un cours paisible. Née le 9 octobre 1941 à Guéret, dans la Creuse, de parents enseignants, elle réussira l’agrégation d’anglais, matière qu’elle enseignera d’abord à New York, où elle s’installe en 1968, puis à Paris, notamment au lycée Chaptal.
Mais en 1975, alors qu’elle vient de rentrer en France, elle publie un sidérant premier roman, Histoire de la chauve-souris (Julliard), où cet animal, une nuit, s’accroche, pour ne plus les quitter, aux longs cheveux d’une jeune fille, qui s’initie peu à peu à la vie auprès de cette « hideuse et pourtant chaude présence », comme l’écrit alors, dans Le Monde, Jacqueline Piatier, qui salue les « remarquables premiers pas » que représente ce « livre extraordinaire ».
Lesquels, en guise de cortège, sont accompagnés d’une préface de Julio Cortazar (1914-1984). Pierrette Fleutiaux, écrit le grand écrivain argentin, impressionné par la force avec laquelle celle-ci investit les parages du fantastique, sait « se placer de plain-pied dans la zone centrale des opérations de la psyché et les montre telles qu’elles sont ». D’emblée, la jeune romancière vient de se créer une place unique dans la littérature française, imposant un univers dont les livres suivants, romans et recueils de nouvelles – Histoire du tableau (Julliard, 1977), Métamorphoses de la reine (Gallimard, 1984)… –, approfondissent, dans des tonalités oniriques et souvent sombres, la singularité.
Ecriture nerveuse et tendue
En 1990, le roman Nous sommes éternels (Gallimard), qui vaut à Pierrette Fleutiaux le prix Femina et demeurera son plus grand succès, marque une étape supplémentaire. Il est rare de pouvoir dire tout de suite, à sa parution, qu’un livre va être le chef-d’œuvre de son auteur. Tel a été le cas de cette fresque lyrique et trouble, passionnée, surabondante, d’une intensité presque suffocante, autour de l’amour absolu, incandescent – charnel, peut-être – entre un frère et une sœur. La puissance de cette écriture nerveuse et tendue, qui ne s’interdit ni la douceur, ni l’élégie, ni la violence, marquera jusqu’à la fin l’image de la romancière.
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