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Soupçon de fichage illégal par Monsanto : une enquête judiciaire ouverte et de nouvelles plaintes en préparation

« Le Monde » et France 2 ont révélé le procédé, qui concerne des politiques et des journalistes. L’enquête a été ouverte après une plainte déposée par « Le Monde »

Par  (avec AFP)

Publié le 10 mai 2019 à 13h29, modifié le 11 mai 2019 à 09h37

Temps de Lecture 3 min.

Le parquet de Paris a annoncé, vendredi 10 mai, avoir ouvert une enquête préliminaire au lendemain de la révélation, par Le Monde et France 2, du fichage de centaines de personnalités, classées en fonction de leurs opinions sur le glyphosate, les OGM ou les pesticides en général. Etablis par la firme de relations publiques FleishmanHillard pour le compte de Monsanto, afin de nourrir les efforts d’influence en faveur du renouvellement de l’homologation du glyphosate, ces listings soulèvent une indignation considérable.

Notre enquête sur le « Fichier Monsanto »  : Article réservé à nos abonnés des dizaines de personnalités classées illégalement selon leur position sur le glyphosate

L’ouverture de cette enquête fait suite à la plainte déposée le 26 avril par le journal Le Monde et un de ses journalistes, qui figure dans les fichiers incriminés. L’enquête préliminaire vise les délits de « collecte de données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite », « enregistrement de données à caractère personnel sensible sans l’accord de l’intéressé et transfert illicite de données à caractère personnel » et de « traitement automatisé de données personnelles sans déclaration préalable à la CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés] ». Elle a été confiée à la brigade de répression de la délinquance contre la personne.

Vendredi, élus, journalistes, responsables associatifs ou scientifiques ont été nombreux à interroger les journalistes du Monde et de France 2 sur leur présence possible dans ce « fichier Monsanto », daté de fin 2016. Inscrites dans le fichier, l’eurodéputée Michèle Rivasi (Europe Ecologie-Les Verts, EELV) et l’avocate et ancienne ministre de l’environnement Corinne Lepage ont toutes deux annoncé leur intention de porter plainte. Les eurodéputés Karima Delli (EELV) et Eric Andrieu (PS) ont également annoncé leur intention de porter l’affaire en justice.

Une banale erreur de fichage pourrait en outre s’avérer fort dommageable pour FleishmanHillard. L’eurodéputé écologiste belge Philippe Lamberts est en effet inscrit dans le fichier, pourtant essentiellement constitué de personnalités françaises. Une bévue qui pourrait conduire à l’internationalisation de l’affaire : M. Lamberts a confié au Monde avoir l’intention de porter l’affaire devant une juridiction belge. Or, selon les métadonnées des fichiers obtenus par Le Monde et France 2, certaines listes ont été établies ou compilées par l’antenne européenne de FleishmanHillard, basée à Bruxelles.

« Scandaleux »

Les élus ne sont pas seuls à annoncer des dépôts de plaintes imminents. C’est aussi le cas de Karine Jacquemart et Ingrid Kragl, respectivement directrice générale et directrice de l’information de l’ONG Foodwatch. « Ce document constitue une nouvelle preuve que les lobbies des multinationales ne reculent devant rien pour protéger leur business et se croient au-dessus des règles, ont-elles réagi vendredi. Nous sommes fichées. Il s’agit d’une utilisation frauduleuse de nos données personnelles. C’est scandaleux. » La Ligue contre le cancer ou encore l’association Générations futures ont également annoncé leur volonté de porter l’affaire devant la justice.

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Les journalistes représentent, eux, près d’une centaine des deux cents personnalités du « fichier Monsanto ». Parmi eux : trois journalistes du Parisien, qui a saisi la CNIL. Mais aussi six journalistes de Franceinfo et France Inter. Radio France a dénoncé « avec la plus grande fermeté ce type de méthodes de fichage et prépare aux côtés de ses journalistes une action en justice afin qu’une enquête détermine clairement toutes les responsabilités ». Plusieurs membres de l’Association des journalistes scientifiques de la presse d’information (AJSPI) sont également fichés. Son président, Yves Sciama, inscrit au fichier, dit avoir « lancé une consultation du bureau [de l’AJSPI] en vue d’un possible dépôt de plainte ».

« Les enjeux environnementaux ont pris une telle importance que les très grandes entreprises qui ont des très gros moyens cherchent à influencer comme le faisaient des puissances étrangères avec l’espionnage en quelque sorte, a commenté le ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy. Il faut évidemment se protéger, il ne faut pas être naïf face à des grands groupes économiques qui se croient plus puissants que les Etats. »

La direction de Bayer, le groupe chimique allemand propriétaire depuis 2018 de Monsanto, souligne que les fichiers incriminés dateraient de 2016, « date à laquelle Bayer et Monsanto étaient deux groupes indépendants l’un de l’autre ». « Comme nous n’en avions pas connaissance, il ne nous est pas possible d’y apporter des commentaires », ajoute la direction de Bayer, qui assure accorder « une importance capitale » au respect des lois et réglementations, notamment en matière de confidentialité des données. Quant à l’agence FleishmanHillard, elle n’a pas répondu aux sollicitations du Monde.

Qui sont les « fichés » de Monsanto ?

Le « fichier Monsanto » est constitué de deux tableaux remplis de noms de personnalités, accompagnés d’une multitude de renseignements. L’ensemble comprend en tout plus de 200 noms.

Près de la moitié sont des journalistes. Y figurent la plupart des professionnels couvrant les questions environnement et agriculture pour les quotidiens, mais aussi ceux des agences de presse, des radios, des chaînes de télévision, le site « Pourquoi Docteur », des magazines comme Ça m’intéresse ou Sciences et Avenir, et des publications plus spécialisées comme Réussir Fruits & Légumes ou Semences et Progrès.

On y trouve également les noms de vingt-cinq « politiques » (ministres en place à l’époque de la constitution du fichier en 2016, eurodéputés et députés français). Ceux d’une trentaine de dirigeants d’organisations agricoles comme la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) ou la Confédération paysanne. Ou encore de dix-sept ONG, comme l’Association pour la promotion d’une agriculture durable, parmi lesquelles certaines sont spécifiquement étiquetées « anti-Monsanto » (La Ligue contre le cancer).

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