Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

1968-2018 : chômage, congés payés… ce qui a changé dans le monde du travail

Zoom sur cinquante ans d’évolution des conditions économiques et sociales des Français à l’heure où le pays célèbre le cinquantième anniversaire de Mai 68.

Par 

Publié le 27 mai 2018 à 06h35, modifié le 27 mai 2018 à 17h54

Temps de Lecture 4 min.

Les chaînes de montage de l'usine PSA Peugeot Citroën de Sochaux, dans les années 1970.

A l’heure où la France célèbre le cinquantième anniversaire de Mai 68, Les Décodeurs ont cherché à comprendre ce qui a changé dans le monde du travail en cinquante ans.

Série : la France en chiffres depuis 1968

Cet article fait partie d'une série en trois volets sur les évolutions de la société française, cinquante ans après les événements de Mai 68 :

1. dans la population française (espérance de vie, mariage, enfants), publié le 13 mai ;

2. dans les conditions de vie (logement, consommation, études), publié le 20 mai ;

3. dans le monde du travail (croissance, emploi, chômage), publié le 27 mai.

Des indicateurs économiques moins favorables

4,5 % de croissance en 1968, 1,9 % en 2018

L’année 1968 fait partie des « Trente Glorieuses », une période de prospérité économique qui commença dans l’immédiat après-guerre. La croissance atteint alors des niveaux élevés : 4,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 1968, et jusqu’à 7,1 % en 1969. Depuis, la France a connu trois grandes crises économiques, en 1973, en 1993 et en 2009, et même les périodes d’embellie, comme celle qui se profile en 2018, n’ont pas permis de renouer avec des taux de croissance aussi élevés.

En 1968, la croissance s'élevait à 4,5 % du PIB, contre 1 à 2 % actuellement

Source : Insee

4 fois plus de chômeurs

En 1968, l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), ancêtre de Pôle emploi, vient tout juste de voir le jour, avec pour principale mission de mettre en relation main-d’œuvre et entreprises. La France compte alors moins de 500 000 chômeurs, soit environ 2,5 % de la population active. Si la méthodologie de décompte a évolué depuis, ce qui ne permet pas de comparaison stricte, on observe une hausse continue partir des années 1970, avec des pics à plus de 10 % de chômeurs à la fin des années 1990 et au début des années 2010. Malgré la volonté des gouvernements successifs, le chômage n’est jamais redescendu durablement sous 7 % de la population active, objectif du quinquennat Macron.

Depuis 1968, le taux de chômage a été multiplié par cinq

Taux de chômage corrigé des variations saisonnières en France métropolitaine. Calculs de l'Insee basés sur la définition du bureau international du travail (BIT), à partir de l'enquête emploi et des données de l'ANPE.
Source : Insee

Le déclin du monde paysan et ouvrier

75 % d’actifs dans les services

Le ralentissement de la croissance et l’avènement du chômage de masse ne sont pas les seuls bouleversements du monde du travail en cinquante ans. La structure de l’économie a beaucoup évolué. Ainsi, l’agriculture employait-elle 15 % des actifs en 1968, contre moins de 3 % actuellement. La part de l’industrie a aussi décliné, alors que celle des services (le secteur tertiaire) représente désormais plus des trois quarts des emplois, contre moins de la moitié il y a cinquante ans.

Depuis 1968, l'agriculture et l'industrie ont décliné, au profit du secteur tertiaire

Répartition de l'emploi par secteur d'activité entre 1968 et 2016.
Source : Insee

5,5 % de cadres en 1968, 17,8 % aujourd’hui

Ces changements s’accompagnent aussi d’une évolution du type d’emplois proposés, qui sont de plus en plus qualifiés. Le nombre de cadres ou de professions intermédiaires (agents de maîtrise, techniciens, commerciaux…) a explosé, alors qu’on compte de moins en moins d’ouvriers et d’agriculteurs.

Depuis 1968, deux fois moins d'ouvriers et trois fois plus de cadres

Répartition de l'emploi par catégorie socioprofessionnelle entre 1968 et 2018.
Source : Insee

Les femmes s’imposent sur le marché du travail

Parmi les héritages revendiqués de 1968 figure l’émancipation des femmes. Depuis 1965, déjà, elles avaient obtenu le droit de travailler ou d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari.

De 45 % à 83 % de femmes actives

En cinquante ans, le taux d’activité des femmes de 25 à 54 ans est passé de 45 % à 83,5 % (en 2013, dernière donnée disponible). Alors qu’elles ne représentaient qu’un tiers de la population active en 1968, elles sont désormais presque aussi nombreuses que les hommes sur le marché du travail.

En cinquante ans, le nombre de femmes occupant un emploi a presque doublé

Emploi total des Français de plus de 15 ans en France métropolitaine, selon le sexe, entre 1970 et 2014.
Source : Insee
Manifestation de la CGT, le 29 mai 1968.

Une hausse du salaire minimal

Autre acquis résultant directement de Mai 68, les accords de Grenelle, signés le 27 mai à l’issue d’une grève générale des travailleurs, ont abouti à une augmentation de 35 % du salaire minimal interprofessionnel garanti (smig, ancêtre du smic) et de 7 % des autres salaires. Il s’agissait de redonner du pouvoir d’achat aux salariés, qui estimaient être les oubliés de la croissance économique. Le salaire minimal a alors fait un bond sans équivalent depuis.

Le salaire minimum a bondi à partir de 1968

Indice de base 100 en 1951 en euros constants
Source : Insee

Une réduction du temps de travail

Les accords de Grenelle ont aussi instauré la semaine de quarante heures, avec une réduction par étapes selon le secteur. Le principe en avait déjà été adopté sous le Front populaire, en 1936, mais il n’avait pas été réellement appliqué. Les salariés français travaillaient alors davantage que leurs voisins européens.

40, 39, 35 heures

Après 1968, la durée hebdomadaire recule à la fois dans la loi et dans la pratique. Deux autres étapes suivront, liées à l’arrivée de la gauche au pouvoir, qui instaure la semaine de trente-neuf heures en 1981, puis de trente-cinq heures en 1999. Selon une étude comparative menée par l’Insee, la durée annuelle de travail dépassait en 2008 la moyenne de six pays d’Europe.

Le temps de travail en baisse depuis 1968, en France comme dans les autres pays d'Europe

Durée annuelle moyenne du travail en France et dans six autres Etats européens (prenant en compte le développement du temps partiel).
Source : Insee

Davantage de congés payés

La baisse du temps de travail n’est pas seulement liée à la durée hebdomadaire, mais aussi au nombre de semaines de vacances, qui a augmenté en cinquante ans, passant de trois à cinq semaines par an.

+ 2 semaines

Contrairement aux idées reçues, la quatrième semaine de congés payés n’est pas un héritage direct des accords de Grenelle. Les salariés de Renault en bénéficiaient déjà depuis 1962, et un accord avait été signé dès 1965 avec le Conseil national du patronat français (CNPF, ancêtre du Medef) pour l’étendre aux salariés des grandes entreprises. Mais les représentants des petites et moyennes entreprises (PME) ne l’avaient pas signé. Pour en faire profiter tous les travailleurs, il avait donc été décidé de passer par une loi, votée par les députés le 2 mai 1968. Les « événements » ont plutôt ralenti le processus, puisqu’ils ont entraîné une dissolution de l’Assemblée nationale. Le Sénat n’a repris le texte qu’en 1969. Vingt-trois ans plus tard, en 1982, une cinquième semaine était adoptée.

Depuis 1968, la loi octroie deux semaines de congés payés supplémentaires aux salariés

Evolution de la durée des congés payés

Pour aller plus loin sur les évolutions du monde du travail depuis 1968

50 ans de mai 68, sélection de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), mai 2018.

50 ans de mutations de l’emploi,, par Olivier Marchand, direction des Statistiques démographiques et sociales de l'Insee, septembre 2010.

Soixante ans de réduction du temps de travail dans le monde,, par Gérard Bouvier et Fatoumata Diallo, division Synthèses des biens et services, Insee, janvier 2010 (Laboratoire junior Contraception & genre).

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.