A l’heure où la France célèbre le cinquantième anniversaire de Mai 68, Les Décodeurs ont cherché à comprendre ce qui a changé dans le monde du travail en cinquante ans.
Des indicateurs économiques moins favorables
4,5 % de croissance en 1968, 1,9 % en 2018
L’année 1968 fait partie des « Trente Glorieuses », une période de prospérité économique qui commença dans l’immédiat après-guerre. La croissance atteint alors des niveaux élevés : 4,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 1968, et jusqu’à 7,1 % en 1969. Depuis, la France a connu trois grandes crises économiques, en 1973, en 1993 et en 2009, et même les périodes d’embellie, comme celle qui se profile en 2018, n’ont pas permis de renouer avec des taux de croissance aussi élevés.
4 fois plus de chômeurs
En 1968, l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), ancêtre de Pôle emploi, vient tout juste de voir le jour, avec pour principale mission de mettre en relation main-d’œuvre et entreprises. La France compte alors moins de 500 000 chômeurs, soit environ 2,5 % de la population active. Si la méthodologie de décompte a évolué depuis, ce qui ne permet pas de comparaison stricte, on observe une hausse continue partir des années 1970, avec des pics à plus de 10 % de chômeurs à la fin des années 1990 et au début des années 2010. Malgré la volonté des gouvernements successifs, le chômage n’est jamais redescendu durablement sous 7 % de la population active, objectif du quinquennat Macron.
Le déclin du monde paysan et ouvrier
75 % d’actifs dans les services
Le ralentissement de la croissance et l’avènement du chômage de masse ne sont pas les seuls bouleversements du monde du travail en cinquante ans. La structure de l’économie a beaucoup évolué. Ainsi, l’agriculture employait-elle 15 % des actifs en 1968, contre moins de 3 % actuellement. La part de l’industrie a aussi décliné, alors que celle des services (le secteur tertiaire) représente désormais plus des trois quarts des emplois, contre moins de la moitié il y a cinquante ans.
5,5 % de cadres en 1968, 17,8 % aujourd’hui
Ces changements s’accompagnent aussi d’une évolution du type d’emplois proposés, qui sont de plus en plus qualifiés. Le nombre de cadres ou de professions intermédiaires (agents de maîtrise, techniciens, commerciaux…) a explosé, alors qu’on compte de moins en moins d’ouvriers et d’agriculteurs.
Les femmes s’imposent sur le marché du travail
Parmi les héritages revendiqués de 1968 figure l’émancipation des femmes. Depuis 1965, déjà, elles avaient obtenu le droit de travailler ou d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari.
De 45 % à 83 % de femmes actives
En cinquante ans, le taux d’activité des femmes de 25 à 54 ans est passé de 45 % à 83,5 % (en 2013, dernière donnée disponible). Alors qu’elles ne représentaient qu’un tiers de la population active en 1968, elles sont désormais presque aussi nombreuses que les hommes sur le marché du travail.
Une hausse du salaire minimal
Autre acquis résultant directement de Mai 68, les accords de Grenelle, signés le 27 mai à l’issue d’une grève générale des travailleurs, ont abouti à une augmentation de 35 % du salaire minimal interprofessionnel garanti (smig, ancêtre du smic) et de 7 % des autres salaires. Il s’agissait de redonner du pouvoir d’achat aux salariés, qui estimaient être les oubliés de la croissance économique. Le salaire minimal a alors fait un bond sans équivalent depuis.
Une réduction du temps de travail
Les accords de Grenelle ont aussi instauré la semaine de quarante heures, avec une réduction par étapes selon le secteur. Le principe en avait déjà été adopté sous le Front populaire, en 1936, mais il n’avait pas été réellement appliqué. Les salariés français travaillaient alors davantage que leurs voisins européens.
40, 39, 35 heures
Après 1968, la durée hebdomadaire recule à la fois dans la loi et dans la pratique. Deux autres étapes suivront, liées à l’arrivée de la gauche au pouvoir, qui instaure la semaine de trente-neuf heures en 1981, puis de trente-cinq heures en 1999. Selon une étude comparative menée par l’Insee, la durée annuelle de travail dépassait en 2008 la moyenne de six pays d’Europe.
Davantage de congés payés
La baisse du temps de travail n’est pas seulement liée à la durée hebdomadaire, mais aussi au nombre de semaines de vacances, qui a augmenté en cinquante ans, passant de trois à cinq semaines par an.
+ 2 semaines
Contrairement aux idées reçues, la quatrième semaine de congés payés n’est pas un héritage direct des accords de Grenelle. Les salariés de Renault en bénéficiaient déjà depuis 1962, et un accord avait été signé dès 1965 avec le Conseil national du patronat français (CNPF, ancêtre du Medef) pour l’étendre aux salariés des grandes entreprises. Mais les représentants des petites et moyennes entreprises (PME) ne l’avaient pas signé. Pour en faire profiter tous les travailleurs, il avait donc été décidé de passer par une loi, votée par les députés le 2 mai 1968. Les « événements » ont plutôt ralenti le processus, puisqu’ils ont entraîné une dissolution de l’Assemblée nationale. Le Sénat n’a repris le texte qu’en 1969. Vingt-trois ans plus tard, en 1982, une cinquième semaine était adoptée.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu