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A Nantes, vague de violences après la mort d’un jeune homme, tué par un policier

La police a tiré sur Aboubakar F., 22 ans, après que le jeune homme a refusé d’obtempérer à un contrôle mardi. La maire, Johanna Rolland, appelle au calme.

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Publié le 04 juillet 2018 à 01h07, modifié le 04 juillet 2018 à 16h37

Temps de Lecture 5 min.

Un jeune homme de 22 ans, Aboubakar F., est mort, mardi 3 juillet dans la soirée, dans le quartier du Breil à Nantes, après qu’un policier a ouvert le feu lors d’un contrôle qui a dégénéré. L’annonce de son décès a provoqué des scènes de violences urbaines durant une partie de la nuit dans trois quartiers sensibles de la ville, plusieurs véhicules et quelques bâtiments étant incendiés.

Les faits se sont déroulés vers 20 h 30. Une patrouille de CRS procède alors au contrôle d’un véhicule, dont le conducteur ne porte ni ceinture ni papiers d’identité, explique, mercredi 4 juillet, au Monde une source au ministère de l’intérieur. Les policiers s’aperçoivent alors que le véhicule est mis sous surveillance par la police judiciaire de Nantes dans le cadre d’un trafic de stupéfiants : « Le conducteur tente de prendre la fuite en reculant sur un fonctionnaire de police », « légèrement blessé à la jambe ». Un de ses collègues « ouvre alors le feu, le conducteur est touché, est transporté à l’hôpital de Nantes où il décède », poursuit cette source.

« C’est des Robocop ! »

Un témoin de la scène a livré à une journaliste locale un témoignage filmé qui soulève de nombreuses questions sur la proportionnalité de la riposte du collègue : « Il a essayé de faire une marche arrière, la voiture s’est explosée contre le mur. Il était déjà immobile, il ne pouvait rien faire d’autre. Le policier est arrivé, il lui a tiré dessus à bout portant, il lui a mis une balle sur le cou, directement. » Cet habitant dit avoir lui-même tenté de réanimer la victime. « Il n’y avait aucun CRS de blessé », assure-t-il, interrompu par un autre habitant qui lance : « C’est des Robocop ! »

Touché à la carotide, il serait mort à son arrivée à l’hôpital vers 23 h 30, précise une source policière. Une enquête visant à éclaircir « les faits » et à déterminer les « circonstances » dans lesquelles le policier a fait usage de son arme a été confiée au service régional de police judiciaire (SRPJ) de Nantes et à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), a précisé le procureur de la République de Nantes, Pierre Sennès.

Selon les informations du Monde, la victime, Aboubakar F., était originaire de Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise). Connu des services de police, notamment pour des faits de vols, le jeune homme faisait l’objet d’une fiche de recherche en date du 15 juin 2017 pour l’exécution d’un mandat d’arrêt dans le cadre d’une procédure pour vol en bande organisée et recel, avec instruction de procéder à l’interpellation de l’intéressé, précise une source policière. Selon des habitants du Breil, il se serait installé depuis quelque temps dans le quartier, où il aurait eu de la famille.

Ce drame s’inscrit dans un contexte tendu depuis plusieurs semaines dans le quartier du Breil. En mai, plusieurs coups de feu ont été tirés dans la cité, et le soir du 28 juin, des tirs ont visé la façade d’un immeuble, blessant légèrement une adolescente qui se trouvait à sa fenêtre, touchée à la main par des éclats de verre. A la suite de cet incident, le quartier avait été placé sous surveillance policière renforcée, et des CRS avaient été dépêchés sur place depuis une semaine.

Deux cents membres des forces de l’ordre mobilisés

Sitôt la nouvelle de la mort du jeune homme annoncée, des violences urbaines se sont déclarées dans trois quartiers – Breil, Malakoff et Dervallières – impliquant une centaine d’individus. Selon un bilan établi mercredi matin par le ministère de l’intérieur, huit bâtiments ont été visés par des incendies, dont un centre commercial, ainsi que de nombreux véhicules, tandis que les forces de l’ordre ont essuyé des jets de projectiles et de cocktails Molotov.

Selon un autre habitant du quartier, cité par Ouest-France, des mères de familles sont sorties pour tenter de ramener le calme, en vain : « Toutes les mamans sont dehors. Les jeunes sont cagoulés, ils ne veulent pas en démordre. » Près de deux cents membres des forces de l’ordre ont été mobilisés, dont 56 CRS et 55 gendarmes mobiles, avec des renforts venus de Rennes, Saint-Nazaire, Angers.

La ministre de la justice, Nicole Belloubet, a appelé « au calme », mercredi matin sur RTL, rappelant qu’une enquête était en cours « pour que toute la lumière soit faite dans la plus totale transparence » sur la mort du jeune homme. Le ministère de l’intérieur a dit mercredi dénoncer les violences et enjoint également à la « responsabilité » et au « calme ». Un calme qui semblait, du moins temporairement, revenu dans ces trois quartiers aux alentours de 3 heures du matin.

Johanna Rolland, maire (Parti socialiste) de Nantes, est arrivée peu avant 2 h 30 aux Dervallières, dont la mairie annexe et la maison de la justice et du droit, situées dans le même bâtiment, ont été touchées par des départs de feu. « Mes premières pensées vont à ce jeune homme mort, à sa famille, à tous les habitants de ce quartier, de nos quartiers, a-t-elle déclaré. La police et la justice dans son indépendance devront faire la clarté et la plus totale des transparences sur ce qui s’est passé ce soir. » « Mais l’urgence ce soir, c’est l’appel au calme dans nos quartiers », a-t-elle martelé.

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Sur Twitter, François de Rugy, président de l’Assemblée nationale et député de la première circonscription de Loire-Atlantique, a été l’un des premiers responsables politiques à réagir mardi soir : « L’enquête indépendante de la justice devra établir les faits quant à la mort d’un jeune conducteur ayant refusé de se soumettre à un contrôle de police au Breil, à Nantes. Rien ne justifie de faire subir maintenant aux habitants, policiers et pompiers des incendies et violences. » Mercredi matin, il a posté un nouveau tweet, légèrement modifié, ajoutant : « On ne peut que regretter la mort d’un jeune homme. »

Selon les chiffres publiés le 26 juin par l’IGPN, le recours aux armes à feu chez les policiers a bondi de 54 % entre 2016 et 2017. A cette occasion, la « police des polices » a rendu public, pour la première fois, le nombre de personnes tuées ou blessées par les policiers. Entre juillet 2017 et mai 2018, elle recense 14 morts et une centaine de blessés. Des chiffres révélateurs d’un climat tendu sur le terrain. Au total, 394 coups de feu ont été tirés par les policiers en 2017, notamment lors de refus d’obtempérer de véhicules en mouvement. Tous ces coups de feu ont été considérés comme de la légitime défense. Du côté de la gendarmerie, la progression de l’usage des armes aurait été de 15 % entre 2016 et 2017.

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