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Sur Cérès, des ingrédients propices à l’apparition de la vie

La sonde Dawn a révélé la présence de matière organique sur cette planète naine, située entre Mars et Jupiter. Plus surprenant, elle aurait été fabriquée sur place

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Publié le 16 février 2017 à 20h09, modifié le 17 février 2017 à 08h30

Temps de Lecture 4 min.

Vue d’un des nombreux cratères de Cérès comportant une tache blanche au centre. Image réalisée par la sonde Dawn, le 17 octobre 2016.

La vie aurait-elle pu apparaître ailleurs que sur Terre ? C’est l’une des lancinantes questions que se posent les astrophysiciens et autres exobiologistes. La vie, ou plutôt des molécules complexes carbonées, ils l’ont cherchée et la cherchent encore sur Mars, avec le robot Curiosity. Ils en ont trouvé des briques élémentaires sur la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko, grâce à la sonde européenne Rosetta. Ils suspectent aussi que des lunes de Jupiter (Europe) ou de Saturne (Titan ou Encelade) pourraient abriter de telles traces organiques dans les océans liquides qu’on soupçonne sous leur surface gelée.

Et voici que, grâce à la sonde Dawn de la NASA, une autre candidate pointe son nez : Cérès. C’est une planète dite « naine », orbitant dans la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter, à environ 370 millions de kilomètres du Soleil. Elle est quasi sphérique et tourne autour de notre étoile, mais ce n’est pas une planète, car elle n’a pas fait le ménage sur son orbite, occupée par de multiples corps rocheux. C’est cependant un gros morceau, de 950 kilomètres de diamètre, qui représente le tiers de la masse de la ceinture d’astéroïdes.

Un corps en pelure d’oignon

Depuis l’arrivée de Dawn dans son voisinage, en mars 2015, les révélations et les surprises se succèdent. Les premières photographies montrent des taches blanches dans des cratères, que les chercheurs expliquent par la remontée de sels à la surface. Puis, en septembre 2016, ils découvrent une montagne de 4 kilomètres de haut, d’un type encore jamais vu : un volcan froid d’où sort une boue visqueuse. En janvier dernier, une autre équipe montre que l’eau est très abondante sur tout Cérès – sauf à l’équateur –, sous forme de glace prisonnière sous la surface. Divers autres indices indiquent même que le corps présente une structure en pelure d’oignon, avec un cœur dur au centre et des enveloppes glacées autour.

Enfin, dans le journal Science du 17 février, des chercheurs italiens et américains de la NASA et de l’Institut d’astrophysique et de planétologie spatiale de Rome (IAPF) expliquent avoir détecté, pour la première fois, la présence de molécules organiques dans certains recoins de la planète naine. Cette matière, dont les chercheurs ne peuvent identifier exactement les composants, est faite de longues chaînes de carbone. Ces molécules sont apparentées à des huiles, des cires ou des bitumes, durcies par les températures glaciales, de l’ordre de – 100 °C. « C’est un très beau résultat aux mesures convaincantes », estime Olivier Forni, de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie de Toulouse.

Cette détection n’est pas une totale surprise car, à l’aide de télescopes terrestres, de telles signatures chimiques avaient déjà été repérées sur les astéroïdes Cybèle et Thémis. « Mais les signaux étaient faibles, note Maria Cristina De Sanctis, porte-parole de l’expérience à l’IAPF. Ce qui nous a surpris, au début, c’est que nous ne trouvions pas de traces de matière organique ! Finalement, nous en avons décelé, et en proportion plus grandes qu’attendu, environ 10 % en volume. »

C’est dans une zone de 1 000 kilomètres carrés environ, près d’un cratère de l’hémisphère nord, que cette matière a été finalement observée. Elle est différente de celle trouvée sur des météorites primitives ; différente aussi de celle trouvée sur la comète 67P. « Cela ajoute à la curiosité de cette planète naine, qui est finalement un objet très particulier. Comme quoi, il reste encore de la matière inexplorée dans notre Système solaire », constate Pierre Beck, de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble.

De fragiles édifices chimiques

Les chercheurs de Dawn pensent que ces chaînes carbonées ont été fabriquées sur place et n’ont pas été apportées par les nombreux bombardements subis par l’astre. En effet, ces fragiles édifices chimiques auraient alors été détruits. En revanche, la présence de carbonates, d’ammoniac, de silicates, d’argile et surtout d’eau sur Cérès permet d’élaborer ce type de matière in situ, même si les détails de la recette sont encore inconnus.

Bien entendu, entre ces tas de cire sombre et la vie florissante telle qu’on la connaît sur Terre, le chemin est long. Par exemple, nul acide aminé – une des briques pour fabriquer des protéines – n’a été identifié, alors qu’on en a détecté dans les météorites ou les comètes. Mais comprendre la chimie, même pauvre, qui s’est opérée sur Cérès aiderait à appréhender la répartition dans le Système solaire de ces ingrédients, peut-être utiles à la vie. Mais les astrophysiciens ignorent où s’est formée Cérès, si elle a toujours occupé cette position ou bien si elle a été assemblée au-delà de Neptune, avant de migrer vers l’intérieur du Système solaire.

« La taille de Cérès et la combinaison d’eau, de matière organique et peut-être d’eau souterraine la placent sur la liste des objets pouvant contenir des formes de vie primitive, estime Michael Küppers, de l’Agence spatiale européenne. Et elle est plus facile à atteindre que les lunes de Jupiter ou de Saturne. » Toutefois, seuls les Chinois ont pour l’instant prévu de rapporter un morceau de cette planète naine, après 2030. Une proposition française de mission vers Cérès, baptisée « Nautilus », n’a pas été retenue par le Centre national d’études spatiales, l’agence spatiale française, à l’été 2016.

Pour espérer en savoir plus sur la nature de cette matière mystérieuse, il faudra donc se contenter des deux sondes actuellement en route vers des astéroïdes, en espérant qu’ils ressemblent à Cérès. Hayabusa 2 touchera sa cible, 162173 Ryugu, en 2018 pour un retour sur Terre en 2020 ; et Osiris-Rex, parti en 2016, espère rapporter des roches de 101955 Bennu en 2023.

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