Le soleil perce à travers la brume matinale qui enveloppe encore Mossoul alors que l’hiver s’achève. En cette fin janvier 2017, les quartiers est de la grande ville du nord de l’Irak sortent lentement de la torpeur dans laquelle les ont laissés trois mois de combats entre les forces irakiennes et les combattants de l’organisation Etat islamique (EI).
Après plus de deux ans de règne sur la ville, les djihadistes se sont retranchés sur l’autre rive du Tigre, le fleuve qui coupe Mossoul en deux. La victoire de l’est a été célébrée le 14 janvier, place des Célébrations, par une foule bigarrée de soldats des forces antiterroristes et d’habitants venus exprimer leur reconnaissance d’être enfin sortis de l’enfer djihadiste. Les canons ne résonnent plus qu’en écho lointain depuis quelques quartiers du nord-est de la ville où des unités de l’armée sont encore aux prises avec des combattants retranchés. L’heure est à la sécurisation des quartiers libérés et à un répit bien mérité pour les soldats d’élite.
Promenades solitaires
Son uniforme noir tiré à quatre épingles, Fahad Ben Rabah s’est mis au volant d’un véhicule blindé Humvee noir frappé du signe BN36 de son unité d’élite, stationné devant l’une des maisons qui a été réquisitionnée dans le quartier d’Al-Mouthanna. Les yeux rieurs et le sourire enjôleur, le soldat invite à prendre place à ses côtés. Le jeune homme de 28 ans part rendre visite à quelques-uns des Mossouliotes avec qui il s’est lié d’amitié pendant les mois que son unité a passés dans la ville.
Fahad a pris l’habitude de ces promenades solitaires dans Mossoul, à la différence de ses frères d’armes qui se déplacent toujours au moins par paire, le fusil automatique armé, en constante alerte dans cette grande ville à majorité sunnite du nord de l’Irak dont ils n’ont jamais entendu parler que comme un repaire de djihadistes depuis le Sud chiite dont ils sont presque tous, comme lui, originaires.
Même au sein des forces antiterroristes, qui ont réussi à conquérir la majorité des cœurs de l’est de Mossoul, habitués à un traitement plus arbitraire de la part des forces irakiennes, Fahad fait figure d’oiseau rare. Il évolue dans cette partie de la ville, largement épargnée par les combats, comme s’il l’avait toujours connue, empruntant sans plus réfléchir les déviations rendues obligatoires par les ponts effondrés ou les nombreux barrages de sécurité.
Ragots des soldats
Arrivé dans le quartier Al-Zouhour, il ralentit l’allure. A chaque coin de rue, il y a des gens à saluer, quelques arrêts à marquer pour serrer des mains et claquer des bises. Dans la rue où il s’est garé, celle où son unité a été postée plusieurs semaines à l’automne, on ne compte plus les embrassades, les verres de thé et les friandises avalées. Au pas de course, il enchaîne les visites de courtoisie : un couple de septuagénaires à qui il a apporté de la nourriture pendant les combats, une vieille dame et sa fille qui l’ont adopté comme un fils et un ami de son âge chez qui il a dormi quelques nuits.
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