Les neuf inspecteurs de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) n’ont pas encore pu accéder à Douma, lieu de l’attaque chimique supposée du 7 avril. Au cours d’une réunion d’urgence à La Haye, le directeur général de l’organisation, Ahmed Uzumcu, a dit que la Russie et la Syrie avaient invoqué « des problèmes de sécurité ». Les inspecteurs attendent un accord dans la capitale syrienne, où ils sont arrivés samedi. Selon un haut responsable russe, ils pourraient accéder aux lieux mercredi.
Devant l’OIAC, l’ambassadeur américain a accusé les Russes d’avoir « maquillé » le site de l’attaque « dans le but de contrecarrer les efforts déployés » par l’organisation. Sans attendre les résultats des inspections, qui diront notamment si la scène de crime a été altérée, Kenneth Ward a déclaré que cela « soulève de sérieuses questions sur la capacité » de la mission « à faire son travail ». Le représentant français a, au contraire, salué le travail des inspecteurs, disant vouloir remettre « du multilatéral » dans le conflit syrien. Pour Philippe Lalliot, après les frappes de samedi par les forces françaises, américaines et britanniques sur des sites de stockage et de production chimiques, la priorité est « d’achever le démantèlement du programme syrien ».
« Programme chimique clandestin depuis 2013 »
Plus d’1,3 million d’agents chimiques ont été détruits par l’OIAC en vertu de l’accord russo-américain de 2013, aux termes duquel Damas avait adhéré — sous la menace d’une intervention occidentale — à la convention sur les armes chimiques, mais il n’avait pas déclaré la totalité de son arsenal. « Nous le savons tous désormais, la Syrie a conservé un programme chimique clandestin depuis 2013 », a asséné le diplomate français.
Les responsables de l’OIAC se livrent depuis plus de deux ans à un épuisant bras de fer avec Damas pour obtenir des informations sur son programme caché. En novembre 2016, l’OIAC avait échoué à adopter une résolution condamnant la Syrie, mais elle a obtenu la possibilité d’inspecter deux sites du Centre d’études et de recherches scientifiques (CERS), considéré comme le cœur de son programme chimique. Là encore, Damas avait fait attendre les inspecteurs avant de donner son accord. Leurs analyses préliminaires concluaient, en 2017, que les échantillons prélevés à Barzah et à Jamrayah n’avaient pas « révélé la présence de produits chimiques » et que les sites ne présentaient pas d’« activité incompatible » avec la convention sur les armes chimiques. Ces inspections devaient néanmoins se poursuivre, mais le site de Barzah a été détruit lors de l’opération franco-américano-britannique de samedi.
« Couverture » de Moscou
Pour l’ambassadeur de France aux Pays-Bas, Moscou a « constamment apporté une couverture politique au régime syrien sur l’emploi de l’arme chimique, que ce soit au Conseil de sécurité des Nations Unies ou à l’OIAC, en dépit des conclusions contraires » de l’enquête conjointe conduite par l’ONU et l’OIAC. Les enquêteurs avaient établi la responsabilité du régime syrien dans quatre attaques, attribuant une cinquième attaque à l’organisation Etat islamique. Mais en novembre 2017, Moscou a mis son veto à la prolongation du mandat des enquêteurs, quelques semaines après leurs conclusions attribuant l’attaque de Khan Cheikhoun, le 4 avril 2017, à l’armée syrienne.
L’ambassadeur de Russie aux Pays-Bas a estimé que les accusations relatives à l’attaque de Douma avaient servi de prétexte à « cette aventure militaire ». Accusant des groupes terroristes, Alexander Shulgin a dénoncé « une provocation planifiée par les services secrets du Royaume uni », juste avant « la défaite finale de la Ghouta orientale », et tandis que les inspecteurs de l’OIAC arrivaient à Damas. Des accusations « ridicules » pour le représentant britannique, qui a rappelé que « la Russie a[vait] cherché à bloquer toute action de ce conseil et au Conseil de sécurité [des Nations unies] pour que le régime syrien soit tenu responsable de ses actes ». Peter Wilson a évoqué « des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre », restés impunis en raison du veto russe sur six projets de résolutions depuis 2017.
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