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A Carthage, le site archéologique mité par les spéculateurs

Fiché au cœur de l’ancienne capitale punique qui défia Rome, un site archéologique classé est grignoté par l’urbanisation, au grand désespoir des militants de la préservation du patrimoine.

Par  (Tunis, correspondant)

Publié le 06 novembre 2018 à 05h08, modifié le 06 novembre 2018 à 09h39

Temps de Lecture 4 min.

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LETTRE DE TUNIS

Ruines à Byrsa, la colline où se trouvait la citadelle de la Carthage punique, photographiées en 2010.

De la colline de Byrsa, là où se dresse l’ancienne cathédrale Saint-Louis, le regard rebondit en léger contrebas sur un étage de pierres puniques avant de se perdre dans la lumière du golfe de Tunis. On a beau scruter la mémoire de Carthage, son socle phénicien, sa strate romaine ou même sa couche byzantine, on ne voit guère qu’une constellation de villas ventrues, boursouflures de béton chaulé. Il faut fouiner assidûment de l’œil pour deviner çà et là, survivances ébréchant le magma, un gradin de théâtre, une colonne de basilique, un fragment de thermes ou une voûte de citerne.

La méditation dans les vestiges de Carthage est un classique de la mélancolie. De Caius Marius, Romain hébété dans les décombres de la cité d’Hannibal rasée par les siens lors de la dernière guerre punique (146 av. J.-C.), à Chateaubriand, dérouté devant des « ruines si peu apparentes qu’[il] les distinguai[t] à peine du sol qui les portait », combien de visiteurs se sont affligés de cette gloire évanouie ? Paul Valéry avait même lancé cette troublante supplique : « Laissez mourir les ruines en paix. »

Le feu de la guerre, l’usure du temps puis l’habitat conquérant, le plus récent des périls, se sont ligués contre Carthage.

Convoitises

Abdelmajid Ennabli, archéologue en colère, ancien conservateur du musée et du site, aime à montrer une photo aérienne de la zone Carthage-Sidi Bousaïd, au nord de Tunis. Seule une tache verte, miraculeuse trouée bucolique, vient oxygéner une nappe urbaine compacte. Elle s’étale entre le cimetière américain, où reposent les GI tombés en 1943 lors de la campagne de Tunisie, et les citernes de La Maalga, jadis alimentées par le somptueux aqueduc bâti sur ordre de l’empereur romain Hadrien (76-138). D’une superficie de 300 hectares, la zone – dite de Bir Ftouha – est classée « terrain archéologique », donc en principe inviolable. « Céder sur Bir Ftouha, c’est comme faire sauter les digues d’un barrage », avertit M. Ennabli. La marée des convoitises menace en amont, pressante, gloutonne.

Il suffit de voir ce gros bloc de béton nu cerné d’échafaudages pour comprendre que la digue autour de Bir Ftouha prend déjà l’eau.

M. Ennabli et ses amis, qui militent en faveur de la préservation de Carthage, pensaient avoir évité le pire quand ils avaient obtenu dans la foulée de la révolution de 2011 l’annulation de « décrets scélérats » pris par le régime de Ben Ali.

A la fin des années 1990, l’ex-autocrate, cédant aux sollicitations des affairistes de son entourage, avait déclassé ces 300 hectares jusque-là protégés par leur inscription dans le parc archéologique, les livrant de facto à la spéculation. A Bir Ftouha, des résidences de haut standing – les publicités vantaient leur localisation « au cœur de Carthage » – avaient ainsi surgi du trou de verdure. Achetés pour une bouchée de pain, les lots de ce quartier dit des « Résidences de Carthage » ont été revendus à prix d’or.

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