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« L’accès à l’université par tirage au sort est absurde et sans réel fondement juridique »

Dans une tribune au « Monde », l’universitaire Cécile Guérin-Bargues explique que reconnaître la nécessité de filtrer tout en refusant aux universitaires la possibilité de choisir les étudiants est stupide.

Publié le 21 mai 2017 à 06h41, modifié le 24 mai 2017 à 11h28 Temps de Lecture 3 min.

Des étudiants à l’université de Strasbourg.

TRIBUNE. Si la question du devenir de l’université a suscité peu d’intérêt lors de la récente campagne présidentielle, le gouvernement n’a pas hésité à lui porter un dernier coup de boutoir en fin de mandature. Une circulaire en date du 27 avril 2017 s’efforce de sécuriser juridiquement la pratique du recours au tirage au sort afin de départager les futurs bacheliers désireux de s’inscrire dans des filières universitaires en tension : psychologie, droit, santé, sport…

Ce texte a d’autant plus surpris qu’en janvier 2017, Thierry Mandon, alors secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche, avait affirmé vouloir « faire disparaître le tirage au sort à l’université ». Or, contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là, cet usage de l’aléa est loin d’être anodin et concerne, dans certaines filières, près d’un tiers des étudiants.

L’adoption d’une telle circulaire est doublement contestable. Elle combine fragilité juridique et procédure absurde. Légalité douteuse, puisque ladite circulaire, loin de se contenter d’expliciter des dispositions législatives existantes, ajoute le tirage au sort aux critères prévus par le code de l’éducation (lieu de domiciliation de l’étudiant, puis ordre des vœux effectués sur APB). Or une circulaire ne peut pas ajouter au droit.

Les syndicats d’étudiants ne s’y sont pas trompés, puisqu’ils ont déjà annoncé qu’ils déposeront un recours devant le juge administratif. Sur le fond, le procédé apparaît profondément choquant : comment peut-on accepter que l’on puisse décider du sort des étudiants en fonction d’une méthode aussi arbitraire que le tirage au sort ?

« Loto académique »

L’officialisation du tirage au sort en dit long sur le peu de considération que la France a pour ses universitaires et pour les étudiants qui choisissent l’université. Le message adressé aux premiers est en effet clair : « Vous êtes tenus d’enseigner aux étudiants que le loto académique a bien voulu favoriser, sans que soient jamais prises en considération leur motivation ou leur capacité à suivre vos cours. »

Il en résulte que pourra, par exemple, s’inscrire en première année de droit ou de psychologie un étudiant titulaire d’un bac STG ou professionnel obtenu de justesse tandis qu’un titulaire d’un bac général avec mention sera interdit de le faire, faute d’avoir été tiré au sort !

Il est, par ailleurs, totalement absurde de reconnaître la nécessité de filtrer tout en refusant aux universitaires la possibilité de choisir les étudiants qui ont des acquis suffisants pour suivre les formations dispensées. Rien n’est plus dévastateur pour la nation que de laisser perdurer un système où n’obtiennent leur licence au bout de trois ou quatre ans qu’à peine 50 % des bacheliers généraux, 15 % des bacheliers technologiques et 5 % des bacheliers professionnels.

On ne mesure pas assez le coût d’un tel gâchis : pour la collectivité, qui doit financer l’accueil au sein de l’université d’étudiants qui ne peuvent rien en attendre ; pour les étudiants eux-mêmes, confrontés à des conditions d’étude dégradées et à un taux d’échec dissimulé mais dévastateur ; pour l’université, qui perd ses meilleurs étudiants au bénéfice des classes préparatoires, des BTS, des IUT et de l’enseignement privé ; pour les parents, enfin, qui, anxieux de la réussite de leurs enfants, préfèrent à l’université gratuite et publique le secteur sélectif, même lorsqu’il est privé, cher et de mauvaise qualité.

Un système à double entrée

Une réforme prévoyant une sélection par les prérequis ne revient pas à faire preuve d’un élitisme mortifère, mais bien à agir dans l’intérêt des étudiants. Il ne s’agit, en effet, aucunement d’abandonner une partie d’entre eux sans espoir aucun de formation. On pourrait parfaitement imaginer un système à double entrée : mise en œuvre d’une procédure d’admission directe à l’université pour les dossiers témoignant des acquis suffisants et mise en place d’une année de transition pour les autres.

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A dominante scientifique ou littéraire, elle pourrait leur permettre de combler le fossé grandissant qui sépare le niveau du baccalauréat de celui que nécessitent des études universitaires, de mûrir leur choix et, le cas échéant, de se réorienter.

C’est un peu ce que fait, avec de très beaux succès, la capacité en droit dans bien des universités. Plutôt que d’entériner le choix stupide et délétère du tirage au sort, les nouvelles équipes qui prennent en ce moment même la direction du pays seraient bien avisées de s’en inspirer.

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