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Le réalisateur Jonas Mekas, figure de la contre-culture, est mort

Engagé dans un art de l’image affranchi de toute forme d’académisme, le cinéaste d’origine lituanienne exilé aux Etats-Unis est mort le 23 janvier, à l’âge de 96 ans, à New York.

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Publié le 23 janvier 2019 à 17h18, modifié le 24 janvier 2019 à 09h41

Temps de Lecture 11 min.

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Jonas Mekas à Paris en 2018.

Jonas Mekas est mort le 23 janvier, à New York, à l’âge de 96 ans. L’œuvre profuse que ses films composent est de celles qui rendent le monde plus beau. Elle a la forme d’un journal filmé, tenu quotidiennement ou presque depuis son arrivée à New York avec son frère Adolfas, en 1949. Chassés de leur Lituanie natale par la menace nazie, ballottés à travers l’Europe pendant plusieurs années, de camps de prisonniers en foyers pour personnes déplacées, les deux garçons sont tombés amoureux de l’inépuisable énergie de la ville, de sa vitalité artistique, de la neige de Central Park, des patineurs du Rockefeller Center, de la ligne de crête des immeubles découpée sur les folles couleurs du ciel…

Quelques semaines à peine après avoir posé leur baluchon, ils achètent la légendaire caméra Bolex qui allait devenir l’extension du bras de Jonas, précieux outil avec lequel il cessera d’opposer la puissance d’incarnation du cinéma à la violence de l’oubli, inventant un paradis rêvé à même de sublimer le fardeau de la personne déplacée.

Cinéma « indépendant »

A peine a-t-il sauté dans le train de la contre-culture qu’il en devient un agent fédérateur et bientôt « le parrain », prophète et gourou tout à la fois qui allait attirer à lui tout ce que la scène artistique new-yorkaise comptait d’énergies créatrices, subversives, iconoclastes. Programmateur de film, critique polémiste, militant de la liberté de création, fondateur de lieux de diffusion et de préservation du cinéma, il aura partagé sa vie entre la défense et la promotion de ce cinéma qu’il appelait « indépendant » et son travail d’artiste.

Les stars de ses films s’appellent Andy Warhol, Allen Ginsberg, Yoko Ono, Salvator Dali, Robert Frank, Carl Theodor Dreyer, John Lennon, George Macunias, Nico, John Cage, Lou Reed, Merce Cunningham, Bernadette Lafont ou encore Bob Dylan. Figures familières d’un rêve éveillé, elles les habitent avec la même grâce que les bébés qui font leurs premiers pas, les exilés lituaniens qui dansent dans les rues de Brooklyn, les promeneurs de Central Park, et sa propre silhouette, fragile, éternellement coiffée d’un chapeau mou, qui s’invite ici et là dans la danse.

Quelques semaines à peine après avoir posé leur baluchon, ils achètent la légendaire caméra Bolex qui allait devenir l’extension du bras de Jonas.

Comme les frères Lumière dont il peut, avec son frère et indéfectible complice, être considéré comme le plus direct héritier, cet Ulysse des temps modernes ballotté par les vents violents de l’histoire du XXe siècle filmait tout avec le même regard ultrasensible qui transformait la pulsation du monde en un scintillement sublimé par le grain épais et les couleurs passées du 16 mm. Libre comme l’air, léger comme le vent, il était aussi à l’aise avec Jackie Kennedy, chez qui il passait ses étés pour enseigner le cinéma à ses enfants, qu’avec les Lituaniens misérables de Brooklyn, avec Salvador Dali qu’avec Yuri Zukhov, le redouté rédacteur en chef de la Pravda qui partageait sa passion pour Warhol, le LSD et le Velvet Underground. En le représentant sous la forme d’un Bouddha, sur une carte postale qu’il lui envoya un jour, le vidéaste visionnaire Nam Jun Paik avait saisi l’essence de sa force tranquille et lumineuse que rien, ni le pouvoir ni la violence, ne semblait pouvoir déstabiliser.

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