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Les « gilets jaunes » poussent les médias au débat

Insultés et agressés lors des différents actes de la mobilisation, les journalistes condamnent les violences, mais s’interrogent aussi sur leurs pratiques.

Par , et

Publié le 16 janvier 2019 à 11h19, modifié le 16 janvier 2019 à 11h24

Temps de Lecture 3 min.

A BFM-TV, un séminaire s’est tenu, mardi 15 janvier, sur la ligne éditoriale et l’organisation du travail.

« La presse ne doit pas être un bouc émissaire ! » A quatre jours d’une nouvelle mobilisation des « gilets jaunes », 34 sociétés de journalistes (AFP, Le Figaro, Le Monde, TF1, France 2, France 3…) ont décidé de publier, mardi 15 janvier, une tribune pour dénoncer les insultes et les agressions « [empêchant] les journalistes d’exercer ». Une réaction après l’agression, samedi 12 janvier à Rouen, d’une équipe de la chaîne LCI par des manifestants. Les signataires devaient se réunir à nouveau, mercredi soir, dans les locaux d’Altice, maison mère de BFM-TV, pour décider d’une éventuelle action le 19 janvier.

A Rouen, les deux journalistes agressés étaient accompagnés de deux vigiles. Ils avaient leur caméra visible, mais ne filmaient pas et n’étaient pas identifiables comme employés de LCI, rapporte Thierry Thuillier, directeur général adjoint Information du groupe TF1. Un des agents de sécurité a-t-il été considéré comme un policier en civil, comme l’a suggéré un internaute sur Twitter ?

M. Thuillier ne nie pas que de telles « confusions » puissent avoir lieu, mais il pense qu’à Rouen, les journalistes « ont été pris pour des reporters d’une autre chaîne d’information ». A Pau, un journaliste local du site CLiNFO a ainsi été confondu, samedi, avec un reporter de « BFM-TV », avant de recevoir un coup de pied d’un « gilet jaune ». Par ailleurs, à Paris, une reporter de LCI a été mise à terre par quelques protestataires.

Dans les rédactions de LCI et TF1, une réunion a été organisée lundi. « Il a été décidé de ne pas cesser notre couverture du mouvement, pour ne pas céder aux intimidations et ne pas laisser un boulevard aux réseaux sociaux », souligne Thierry Thuillier. Il a été exclu d’ajouter des vigiles. « C’est déjà une manière de travailler qu’on n’a jamais connue en France », rappelle le dirigeant. LCI et TF1 vont toutefois réfléchir à éviter « d’éparpiller » les reporters sur de nombreux lieux, et à mettre en place un « roulement », explique M. Thuillier.

Dans les rédactions, l’heure est à l’indignation, mais aussi à l’introspection

« A CNews, depuis l’acte IX du mouvement, on ne fait plus de duplex face caméra, mais uniquement du commentaire d’image pour être plus discret », note Loïc Signor, le président de la société des rédacteurs. Les noms des reporters ne sont plus indiqués à l’antenne. A France 3 Normandie, il y a eu deux réunions de rédaction sur la sécurité la semaine dernière. « Le discours qu’on tient aux reporters, c’est : “On ne vous force pas à y aller” », résume Stéphane Gaillard, directeur régional. Il n’est pas question de « boycott »,mais « si ça continue à se durcir, ça pourrait arriver, car une vraie insécurité se propage », pense-t-il.

Tensions internes

A la radio également, des ajustements ont lieu. Ainsi, à Franceinfo, depuis le week-end dernier, les journalistes sont accompagnés de gardes du corps, parfois d’anciens militaires habitués aux zones de guerre. Dans les rédactions, l’heure est à l’indignation, mais aussi à l’introspection. « Dans un climat de défiance vis-à-vis des médias, la critique est nécessaire », relève la tribune des SDJ. A BFM-TV s’est tenu, mardi, un séminaire de quatre heures trente. « C’était un moment essentiel, pour se parler du fond », raconte Céline Pigalle, directrice de la rédaction de la chaîne.

Outre les tensions internes, les débats ont porté sur le positionnement de BFM-TV comme « chaîne de l’événement », monothématique en cas de grosse actualité, ainsi que sur la place du reportage pour les journalistes, désireux de ne pas faire que du direct. « Nous avons aussi parlé de riposter aux “fake news” [infox] ou aux parodies qui circulent en ligne au sujet de BFM-TV et de mieux répondre aux interrogations sur notre couverture. On ne peut plus faire de l’information en surplomb. »

A France Télévisions, les « gilets jaunes » devaient être évoqués, mercredi, lors d’une réunion de la commission de déontologie. Les syndicats ont interpellé la direction, après qu’une photo utilisée sur le plateau du 19-20 du 15 décembre a été retouchée pour enlever le « dégage » d’une pancarte « Macron dégage ! ». La direction de l’information dit avoir pris des « sanctions disciplinaires » et procédé à « un rappel des validations éditoriales nécessaires ».

Au mois de février est prévu un séminaire sur « le statut des images fixes dans l’info ». « Il faudra peut-être lancer une réflexion sur les gens qui n’ont accès à l’antenne que via les microtrottoirs : comment leur donner la parole autrement ? », ajoute un autre cadre de France 3.

De son côté, Vincent Giret, directeur de Franceinfo, a chargé, début janvier, quatre journalistes de piloter des ateliers de « réflexion collective » sur « la façon d’exercer notre métier ». « Face à la dégradation de la relation de la situation, il nous faut être plus transparents sur nos méthodes, estime M. Thuillier, de LCI. Il faut expliquer que monter des images pour un sujet, ce n’est pas manipuler l’information. » Les questions sur la place du journaliste dans la société « se posent tous les jours dans les rédactions »,mais « il faut davantage entretenir ce débat ».

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Sur Facebook, des « gilets jaunes » lancent leurs propres médias
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