Ils sont environ 150 000, en France, à souffrir de crises de convulsions d’un type particulier. Des crises d’épilepsie ? Cela y ressemble fort, mais ce n’en sont pas vraiment. Car l’examen de référence, ici, c’est l’électroencéphalographie (EEG) : on enregistre l’activité électrique du cerveau au cours d’une crise, filmée en vidéo. « Lors d’une vraie crise d’épilepsie, on voit des polypointes sur le tracé de l’EEG. Mais pas chez ces patients », indique la docteure Coraline Hingray, psychiatre au CHU de Nancy.
Le nom de cette affection intrigante ? Ce sont des « crises non épileptiques psychogènes », ou CNEP. Comme dans l’épilepsie classique, elles peuvent blesser et surtout handicaper les patients, avec leur cortège de chutes brutales et de pertes de connaissance.
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Ensuite, ces convulsions font peur : les patients sont stigmatisés. Mais eux subissent une double peine : comme aucune lésion n’est détectée dans leur cerveau, on les accuse parfois – à tort – de jouer la comédie. « Une violence inouïe ». En sus, ils pâtissent souvent d’une longue errance diagnostique. « Ce sont des patients “ping-pong” : ils sont ballottés entre les services d’urgences, les neurologues et les psychiatres », se désole Coraline Hingray, qui a écrit Les crises non épileptiques psychogènes (LaRéponseDuPsy, « Savoir pour guérir », 2017).
Le 21 février, un colloque intitulé « Epilepsies et émotions » était consacré à cette affection méconnue, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), à Paris. Car dans les CNEP comme dans les épilepsies classiques, les patients présentent un déficit de la reconnaissance et du traitement des émotions. On sait, aussi, que les émotions favorisent la survenue des crises. Lorsqu’on donne un chien à un enfant atteint d’épilepsie, par exemple, il fait moins de crises !
Le rôle des émotions
Les patients atteints de CNEP ont aussi du mal à parler de leurs émotions. « Les trois quarts ont subi des traumatismes, souvent des agressions physiques ou sexuelles », indique Coraline Hingray. Les trois quarts sont aussi des femmes. En France, il y aurait quelque 800 000 personnes atteintes d’épilepsie – dont environ 150 000 atteintes de CNEP.
Margaux (le prénom a été changé), 38 ans, a fait une première crise convulsive à l’âge de 22 ans. Native d’Algérie, elle s’y marie. Ses crises se poursuivent, au rythme d’environ quatre ou cinq par an. « Mon mari me battait, me violait, me faisait subir un harcèlement moral. » Il y a cinq ans, elle le quitte pour venir en France avec ses trois filles. Ses crises se font plus fréquentes : deux à quatre par mois.
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