Vidal, le tueur de femmes. Une biographie sociale
de Philippe Artières et Dominique Kalifa, Verdier, « Poche », 364 p., 10,50 €.
Henri Vidal était un petit assassin en série dont les forfaits restèrent limités, deux tentatives de meurtre sur des prostituées et deux meurtres accomplis avant qu’il ne se fasse arrêter par hasard et passe aussitôt aux aveux. Ses agressions, au couteau de cuisine, n’en défrayèrent pas moins la chronique de Nice et de sa région, au début du XXe siècle. Devant le palais de justice, la foule hurlait à la mort. Les chroniqueurs judiciaires s’emballaient, évoquant ses « yeux de loup », « une âme bornée et violente, une âme très animale, à peine une âme ». Condamné à mort, Vidal vit sa peine commuée en travaux forcés. Il mourut en 1906 au bagne, en Guyane.
Cette affaire fut, à l’époque, très largement commentée. Le tueur, en outre, écrivit son autobiographie. Devant la masse de ce matériau, les historiens Philippe Artières et Dominique Kalifa décident, à la fin des années 1990, de se lancer ensemble dans « une biographie sociale » de Vidal : l’objectif est moins de narrer la vie de l’assassin que de raconter « l’émergence soudaine d’une existence neuve qui naît simultanément au crime et à la représentation ». Un tel exercice implique de trouver une forme inédite de récit.
« Monter les discours comme on monte des images ; refuser l’ordre asséchant dont les textes sont l’objet pour les inscrire dans des séquences qui leur donnent vie et mouvement », expliquent les auteurs dans l’introduction de leur ouvrage où, sans transition apparente sinon celle des dates, sans ajouter le moindre mot, ils accolent la parole du juge à celle de la victime ou de l’assassin, l’énoncé du médecin à celui du reporter, chacun n’étant identifié que par un renvoi en note. Cette tentative de « résurrection de la vie intégrale », selon le mot de Jules Michelet, dans toute sa complexité et sa mobilité donne un ouvrage singulier. Publié en 2001, devenu introuvable, il montre comment un tueur « échappe peu à peu à lui-même et aux siens pour devenir une création collective, le Tueur de femmes, l’Egorgeur du Sud-Est ». Marc Semo
Morsures
d’Hélène Bonafous-Murat, Le Passage, « Echos », 260 p., 9,50 €.
Les adieux d’un homme et d’une femme : c’est la scène que représente une estampe apportée un jour à la boutique de gravures où Hortense travaille comme experte. Signée du graveur lorrain Jacques Bellange (1575-1616), elle lui est pourtant inconnue. Ainsi débute l’enquête d’Hortense sur cette œuvre et, avec elle, une obsession qui va l’amener aux limites de la folie. Le premier roman d’Hélène Bonafous-Murat, elle-même experte en estampes, se lit à la fois comme un thriller, une plongée passionnante dans les coulisses du milieu de l’art et la description d’un esprit gagné par le délire. Raphaëlle Leyris
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