Ca n’est pas une nouveauté, les sites de rencontre sont de plus en plus populaires : en France, en 2016, près d’une personne sur cinq s’était déjà inscrite sur l’un d’eux, selon un sondage BVA pour Le Parisien Magazine. Ils sont même devenus le troisième moyen le plus efficace pour former des couples aux Etats-Unis, derrière les soirées entre amis et les bars.
La séduction par écrans interposés reste cependant très différente de la drague « IRL » (« in real life »), dans la vraie vie. Elizabeth Bruch et Mark Newman, deux chercheurs américains de l’université du Michigan, ont étudié nos comportements sur les sites de rencontre et sont parvenus à plusieurs conclusions : nous convoitons généralement des personnes au potentiel d’attractivité statistiquement supérieur au nôtre, et l’écart d’âge entre les femmes et les hommes les plus convoités est tout bonnement vertigineux.
Le critère du nombre de messages
Pour mener à bien leur étude, les deux chercheurs ont eu accès aux données d’un site de rencontre très populaire aux Etats-Unis pendant le mois de janvier 2014, « une occasion sans précédent d’analyser la séduction à l’échelle d’un pays tout entier », écrivent-ils en introduction. Ils ont ainsi pu examiner un échantillon de deux cent mille Américains hétérosexuels, de toutes les catégories sociales et de toutes les régions du pays.
Première difficulté : trouver un moyen de quantifier l’attractivité d’une personne autrement que par des critères subjectifs tels que la beauté physique. Buch et Newman ont donc retenu comme critère le nombre de messages reçus par une personne, car « le message est le premier contact entre deux individus sur un site de rencontre, c’est donc ce qui indique le plus fidèlement l’attirance d’un parti pour l’autre ».
En se fondant sur le nombre total de messages reçus pendant un mois, les chercheurs ont modélisé des « pics d’attractivité », c’est-à-dire les types de profil les plus attirants pour les femmes et pour les hommes. Il en ressort que, statistiquement, les hommes gagnent en attractivité avec l’âge, avec un apogée aux alentours de 50 ans. A l’inverse, l’attractivité des femmes atteint son paroxysme à l’âge de 18 ans, avant de décliner année après année.
« Ces résultats nous ont vraiment surpris, a déclaré Elizabeth Bruch au New York Times, surtout le fait de voir que la courbe d’attractivité des femmes baisse de façon si abrupte dès qu’elles dépassent les 18 ans. » Cette tendance avait déjà été observée en 2010 par OkCupid, un site de rencontre extrêmement populaire aux Etats-Unis : les hommes entre 22 et 30 ans cherchent presque exclusivement des femmes plus jeunes qu’eux.
Ethnicité et niveau d’études
L’âge n’est cependant pas le seul critère déterminant de l’attractivité. L’étude cite également l’ethnicité. Les femmes asiatiques et originaires d’Amérique latine seraient ainsi celles qui plaisent le plus aux hommes, tandis que les hommes blancs et noirs sont considérés comme les plus attirants pour les femmes. Le niveau d’étude est également un critère essentiel, et très polarisé. Pour les femmes, la licence est le diplôme le plus apprécié, les diplômes supérieurs étant moins prisés. A l’inverse, plus les hommes sont diplômés, plus ils sont attrayants.
Autre trouvaille de l’étude : nous aurions tous tendance à parler aux gens statistiquement plus attirants que nous, alors que nous délaissons de manière systématique ceux que nous jugeons moins bien lotis que nous. L’étude est claire : « Les gens tentent en majorité de séduire des personnes “trop bien pour eux”, exactement entre 23 % et 26 % plus attractifs. » Un abus d’optimisme ?
« On constate en tout cas que la pratique est très généralisée, si bien que les utilisateurs n’écrivent quasiment qu’à des personnes mieux placées qu’eux sur l’échelle de l’attirance. Cette stratégie est très différente de celle que les gens adoptent quand ils doivent chercher une université », expliquent l’étude. Comprendre : si, en préparant vos études sur Parcoursup, Harvard est votre premier vœu, vous avez quand même sûrement mis l’université de Saint-Pierre-et-Miquelon en dernier choix, au cas où. En amour, inversement, les soupirants ne démarchent généralement que des profils statistiquement « trop bien » pour eux.
L’étude montre enfin que plus l’écart d’attractivité entre deux personnes est important, moins il y a de chance pour que l’utilisateur ayant fait le premier pas reçoive une réponse. Il ne faut cependant pas perdre espoir : « Attirer l’attention d’une personne “trop bien pour nous” est tout à fait possible. Les chances de recevoir une réponse sont peut-être faibles, mais elles existent. » Une reformulation scientifique de l’adage selon lequel « l’amour est aveugle ».
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