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Comptes de campagne d’Emmanuel Macron : la défense bancale de La République en marche

Le mouvement présidentiel a publié, dimanche 10 juin, ses réponses aux dernières révélations sur les rabais dont a bénéficié la campagne du candidat. Avec des arguments parfois trompeurs.

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Publié le 11 juin 2018 à 17h32, modifié le 11 juin 2018 à 17h50

Temps de Lecture 6 min.

Les enquêtes successives de Mediapart, du Monde ou de Radio France sur les comptes de campagne d’Emmanuel Macron ? Des « pseudo-révélations pour jeter le doute sur l’ensemble d’une campagne », tranche La République en marche (LRM) dans un communiqué publié dimanche 10 juin. Le mouvement y affirme faire « s’effondrer » les soupçons sur certains rabais accordés au futur chef de l’Etat, qu’avaient révélé plusieurs médias, dont Le Monde.

La semaine dernière, Radio France a notamment dévoilé un « guide » de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) qui assure que les « rabais ou remises [devraient en principe] être accordés dans une limite maximale entre 15 et 20 % », là où la campagne d’Emmanuel Macron a obtenu des ristournes bien plus importantes. Mais les justifications de LRM ne répondent qu’à moitié aux interrogations.

1. Le faux argument du montant total des ristournes

Ce que dit LRM

Le communiqué de LRM fait valoir que les importantes remises mentionnées dans l’enquête de Radio France représentent « exactement 0,56 % de nos dépenses de campagne (93 261 euros sur 16 578 781 euros de dépenses validées par la CNCCFP) ». Selon les auteurs, il faudrait donc en déduire que le reste des dépenses, soit « 99,44 % », « sont légales ». Et puisque les sommes en jeu ne représenteraient qu’une mince partie du budget de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, l’affaire serait insignifiante, voire inexistante.

POURQUOI C’EST TROMPEUR

L’argumentaire tente ici de déplacer le débat. Il est vrai que les informations publiées jusqu’ici portent sur une fraction réduite du budget de la campagne Macron. Il est tout aussi juste de dire que le plafond global des dépenses autorisées n’aurait vraisemblablement pas été dépassé si le candidat n’avait pas bénéficié de ces rabais.

Ce n’est pas tant le montant que la nature du financement qui pose question

Sauf que ce n’est pas le propos des informations sur la campagne d’Emmanuel Macron publiées jusqu’ici. Si ces rabais sont scrutés de près, c’est qu’ils sont encadrés par la loi, pour éviter notamment qu’un candidat bénéficie d’un régime de faveur.

Selon l’article L52-8 du code électoral, les personnes morales (hors partis ou groupements politiques) « ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat ». Le texte mentionne les « dons », mais aussi la fourniture de « biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».

Les manquements à ces obligations sont punis par la loi, notamment par l’article L113-1 du code électoral, qui prévoit des sanctions pour les personnes morales et leurs dirigeants qui auraient « accordé un don en violation des dispositions de l’article L52-8 » tout comme pour les candidats qui auraient accepté de tels dons.

A notre connaissance, aucune enquête judiciaire n’a été ouverte dans ce dossier pour l’heure. Reste que les soupçons soulevés dans la presse sur plusieurs rabais consentis à la campagne d’Emmanuel Macron constitueraient, s’ils étaient avérés, des manquements au code électoral. Il est donc abusif de balayer ces questionnements au seul prétexte qu’ils ne représentent qu’une portion limitée du compte de campagne.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Dîners lucratifs, dons, rabais : les combines de la campagne Macron

2. Le travail de la Commission des comptes de campagne ne ferme pas le ban

Ce que dit LRM :

« La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a validé nos comptes, après des mois d’épluchage par des professionnels indépendants des dizaines de cartons de documents que nous avons fournis pour justifier chacune de nos dépenses. »

POURQUOI C’EST TROMPEUR

Là encore, LRM déplace le débat. Les comptes de campagne d’Emmanuel Macron ont bel et bien été validés par la CNCCFP. Mais le travail de vérifications et de recoupements de celle-ci est limité et n’a pas vocation à certifier l’absence totale d’irrégularités.

L’exemple des comptes de campagnes de Nicolas Sarkozy en 2012 illustre bien cet état des choses. La CNCCFP avait, certes, rejeté les comptes du président sortant en réintégrant des dépenses antérieures à sa déclaration de candidature, mais elle était aussi passée à côté de l’affaire Bygmalion qui a éclaté en 2014 et de millions d’euros potentiels de financement.

Contrairement à ce qu’affirme LRM (tout comme d’autres candidats dont Jean-Luc Mélenchon ces dernières semaines), le fait que la CNCCFP ait validé un compte de campagne ne suffit pas à balayer tout questionnement.

3. Des justifications partielles sur les différents rabais

Ce que dit LRM :

L’argumentaire de LRM prétend répondre point par point aux interrogations sur les rabais dont a bénéficié la campagne d’Emmanuel Macron. Il cite précisément trois exemples, « les trois montants les plus élevés » :

  • celui de la remise de 22 000 dollars accordée par la société NationBuilder ;
  • celui de la remise de 10 000 euros sur la location pour une soirée du Théâtre Bobino à Paris ;
  • celui de la remise de 3 638,40 euros pour la location de La Bellevilloise.

A chaque fois, le parti développe ses justifications et conclut que l’accusation qui lui est faite d’avoir bénéficié de remises possiblement trop importantes « s’effondre ».

DES JUSTIFICATIONS PARTIELLES

En réalité, le communiqué de LRM ne répond pas à toutes les interrogations. Reprenons les trois cas cités un par un.

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Sur le contrat passé avec la société NationBuilder, qui a conçu une plate-forme de gestion de campagne prisée par plusieurs candidats, l’équipe d’Emmanuel Macron a profité d’une réduction de 30 % de sa facture, la faisant passer de 74 000 à 52 000 dollars. Un niveau de rabais supérieur, en proportion, à celui accordé à ses concurrents François Fillon et Jean-Luc Mélenchon. Mais LRM dit avoir fait appel à la solution network de l’entreprise américaine, « la plus chère de leurs services, et qui n’avait jamais été testée en France ». « La comparaison avec les autres campagnes n’est donc pas pertinente », estime alors le mouvement.

Ces explications ne répondent cependant que partiellement aux interrogations. Au-delà de la possible différence de traitement entre candidats, c’est le niveau même du rabais accordé à LRM qui pose question. – 30 %, c’est, en effet, davantage que la règle générale fixée par le Guide du candidat et du mandataire, utilisé par la CNCCFP et révélé par Radio France le 8 juin. Dans ce document, il est écrit qu’en principe la commission admet des ristournes « dans une limite maximale comprise entre 15 et 20 % du montant de la facture initiale ». Des remises supérieures peuvent, cependant, « être justifiées, au vu notamment des justificatifs fournis », rapportait la CNCCFP à Radio France.

Sur la location du Théâtre Bobino, Franceinfo a estimé que le rabais octroyé était de l’ordre de 75 % sur la location du lieu pour un soir (3 000 euros au lieu de 13 000 euros). Une affirmation contestée par LRM, selon laquelle il s’agit d’une comparaison avec le prix pratiqué pour des entreprises privées. Le mouvement estime qu’il faut prendre pour référence celui demandé aux « associations à but non lucratif – ce qu’est la campagne d’Emmanuel Macron ». Et reproduit une autre facture de location de Bobino le 15 juin 2017 pour environ 3 000 euros, soit le même montant que celui demandé à la campagne du futur président.

Pour LRM, ce qui compte, « au regard de la jurisprudence », ce serait finalement « le fait que les tarifs pratiqués ne sont pas aberrants eu égard aux usages du prestataire ». Le guide du candidat et du mandataire élaboré par la CNCCFP dit plutôt l’inverse, à savoir que « les rabais consentis par les fournisseurs sont interdits lorsqu’ils n’entrent pas dans le cadre d’une pratique commerciale habituelle ».

Contrairement à ce que prétend le mouvement d’Emmanuel Macron, il y a donc au moins matière à s’interroger sur ce rabais.

Sur la location de la salle la Bellevilloise, Radio France avait pointé une possible différence de traitement entre Emmanuel Macron et Benoît Hamon, le premier payant environ 1 200 euros pour la location du lieu tandis que le second avait payé 4 800 euros environ.

Un écart que LRM justifie, cette fois, par le fait que les deux prestations seraient différentes : « La campagne de Benoît Hamon a loué le site pendant trente-cinq heures, pour un meeting en présence de leur candidat avec 400 personnes. De notre côté, nous l’avons loué pendant quatre heures, pour une réunion thématique sans présence de notre candidat et en présence de 150 personnes. » Une différence qui pourrait bien, cette fois-ci, expliquer l’écart de facturation.

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