Villa, yacht… Le système offshore de Bernard Arnault, première fortune française
Le Monde révèle, mercredi 8 novembre, comment l’homme le plus riche de France, Bernard Arnault, a masqué de précieux actifs derrière un puzzle complexe de sociétés écran. Le patron du groupe de luxe LVMH a ainsi abrité une luxueuse propriété de 129 hectares dans la banlieue de Londres, Nyn Park, derrière une société enregistrée sur l’île anglo-normande de Jersey. Sollicité sur la légalité de ce montage et pour savoir s’il était déclaré au fisc, Bernard Arnault s’est refusé à tout commentaire.
Les « Paradise Papers » révèlent également le montage fiscal autour du luxueux yacht réputé appartenir à l’homme d’affaires, le Symphony. Le bateau de 101 mètres est officiellement détenu par une société maltaise, Sonata Yachting Limited, dont les dirigeants sont des prête-noms mais qui appartient en réalité à LVMH, comme l’atteste une petite ligne dans le rapport annuel du groupe de luxe. L’avantage pour Bernard Arnault : il ne possède pas officiellement le yacht, l’excluant donc de sa déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et s’il souhaite l’utiliser, il doit verser à sa propre entreprise des frais de location, justifiant une utilisation commerciale et le dispensant de la future taxe sur les biens de luxe que souhaite mettre en place le gouvernement français. Autre avantage de Malte : le droit du pays dispense la société-écran de déposer ses comptes, contrairement à une entreprise française.
Au total, Bernard Arnault a donc fait appel à au moins huit cabinets de conseil différents pour localiser ses actifs dans six paradis fiscaux différents.
Le système des trusts, boîtes noires de la finance offshore
Au troisième jour de révélations des « Paradise Papers », l’enquête menée conjointement par Le Monde, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et quatre-vingt-quinze médias dans le monde met en lumière le rôle primordial que joue le système des « trusts ». Méconnues, ces structures rebattent les cartes des classements des plus grandes fortunes mondiales.
Le principe est qu’une personne détenant d’importants actifs (le « constituant », ou settlor) les cède à une société spécialisée ou à une personne de confiance (le « gestionnaire », trustee), qui aura dès lors le contrôle de biens qu’elle devra gérer pour le compte de bénéficiaires (qui peuvent être le constituant ou des membres de sa famille, par exemple).
L’avantage est que le constituant se cachant derrière l’écran du trustee n’est plus le propriétaire effectif des actifs. Des particuliers profitent ainsi de l’opacité du trust pour dissimuler au fisc leurs actifs — même si la loi l’interdit.
Comment M. Annaud a caché 1,5 million de dollars
C’est justement par un trust, le Los Condores Trust,établi sur l’île anglo-normande de Guernesey, que le réalisateur français Jean-Jacques Annaud a caché 1,48 million de dollars (1,2 million d’euros) au fisc français.
La singulière concordance des noms et des dates laisse à penser que l’argent du trust provient de la rémunération du réalisateur pour le film à succès Sept ans au Tibet — le nom « Los Condores » correspond d’ailleurs au nom du seul hôtel d’Uspallata, petite commune argentine où a été tourné le film. Autre élément concordant, le trust contenait une société écran nommée… « Uspallata », déplacée dans les îles Vierges britanniques en 2003.
Contacté au début d’octobre pour répondre aux interrogations du Monde et de Radio France, le cinéaste a rapidement demandé à ses nouveaux avocats fiscalistes de régulariser sa situation : les avoirs, qui ont fait le tour du monde, auraient finalement été déclarés au fisc français le 12 octobre, « afin d’éviter toute discussion et d’être dans la plus totale transparence ».
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