Vous rentrez chez vous après une journée de travail. Dans votre salon, la température ne cesse de changer brutalement, et votre thermostat clignote d’un air menaçant. Sans prévenir, votre enceinte passe une musique angoissante. Votre caméra de surveillance tourne vers vous son œil métallique. Soudain, vous vous sentez observée.
Une adaptation high-tech du Horla ? Le nouveau David Lynch ? Non, le résultat d’une enquête menée le 23 juin dernier par le New York Times auprès de victimes d’un harcèlement 2.0. On croyait avoir tourné la page de l’affaire Weinstein, et voilà que les violences prennent un nouveau visage : celui, terrifiant, du cyberespionnage. Les femmes interviewées racontent comment leurs conjoints, même après avoir quitté le domicile, prennent le contrôle de leur smart home, en manipulant à distance leurs objets connectés grâce à des applications mobiles. L’une explique que le code de sa serrure connectée change chaque jour, l’empêchant d’accéder à son propre domicile, l’autre que l’interphone retentit à tout moment, sans personne au bout du fil. De quoi, littéralement, péter un câble.
Inquiétudes justifiées
Pas besoin d’en venir à de telles extrémités pour dénoncer l’emprise des objets connectés sur notre vie personnelle. En France, l’installation des compteurs électriques Linky, prétendus « intelligents », suscite des inquiétudes justifiées. Ces compteurs, qu’Enedis – anciennement ERDF – souhaite imposer à l’ensemble des foyers français d’ici à 2021, sont connectés à Internet et transmettent en permanence des informations très précises sur la consommation des ménages.
Vous ne prenez qu’une douche par semaine ? Enedis le sait. Vous vous absentez tous les mardis soir de 22 heures à minuit ? Enedis le sait. Et alors, qu’est-ce que ça change ? Rien, sinon que la technologie s’immisce un peu plus dans les moindres détails de notre intimité. Rien, sinon que nous nous préparons à vivre dans un monde où l’on ne peut plus aller aux toilettes sans y rencontrer une entreprise high-tech.
La technologie s’immisce un peu plus dans les moindres détails de notre intimité
L’exemple n’est pas gratuit. La société française LittleCorner propose à ses clients l’installation d’écrans publicitaires dans les WC d’établissements publics – restaurants, salles de spectacles, centres commerciaux. Leur slogan pourrait être celui de tout objet connecté : « Soyez là où tout le monde va seul ». Même si l’entreprise jure ses grands dieux ne pas installer de caméra de surveillance dans ses écrans, le dispositif fait froid dans le dos : « Grâce à un capteur thermique, nous savons combien de temps la personne est restée, explique le fondateur, Efraim Clam, au magazine Capital. On ne facture l’annonceur que si le spot a été vu jusqu’au bout. »
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