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« L’égalité des chances est un Graal conceptuel »

Deux siècles après la Révolution, cet idéal reste la boussole politique des démocraties. Mais il connaît des déclinaisons très différentes. Retour sur un concept-clé avec le philosophe Patrick Savidan.

Propos recueillis par 

Publié le 08 novembre 2018 à 16h04, modifié le 12 novembre 2018 à 07h09

Temps de Lecture 14 min.

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Patrick Savidan, à Paris, le 30 mai 2017.

Le philosophe Patrick Savidan a dirigé le Dictionnaire des inégalités et de la justice sociale, qui est sorti, le 17 octobre, aux Presses universitaires de France (1 728 pages, 39 euros). Professeur d’éthique et de philosophie politique à l’université Paris-Est-Créteil, cofondateur de l’Observatoire des inégalités en 2002, il a ­publié plusieurs ouvrages sur les inégalités et la justice sociale, notamment Repenser l’égalité des chances (Grasset, 2007), Le Multiculturalisme (PUF, 2009) et Voulons-nous vraiment l’égalité ? (Albin Michel, 2015).

Deux siècles après la révolution de 1789, l’égalité reste au cœur de nos débats politiques. Comment la philosophie politique envisage-t-elle ce concept ?

L’égalité est au cœur de nos débats parce que l’idéal qu’elle représente est au cœur de ce projet, précieux et fragile, qu’est la modernité politique. A tel point que nous pourrions considérer, au risque de surprendre, voire de scandaliser, qu’aujourd’hui nous sommes tous égalitaristes. Cela ne signifie évidemment pas que nous soyons d’accord sur la manière de combattre les inégalités, ni même sur la façon de les identifier – nous en sommes loin ! –, mais que l’égalité est le cadre dans lequel se déploient la plupart de nos divergences en matière de justice sociale.

De ces divergences résultent de profondes oppositions politiques : certains estiment que pour reconnaître l’égalité morale entre les personnes, il suffit de garantir l’égalité formelle des droits, d’autres demandent une égalisation significative des conditions matérielles d’existence pour donner aux individus les moyens d’exercer pleinement leurs droits. Parfois, l’égalitarisme est disqualifié par ceux qui veulent y voir un désir de nivellement par le bas – oubliant au passage que ce nivellement pourrait être aussi perçu comme un ­nivellement vers le haut (question de perspective !) – mais, même de ce point de vue, il n’y a pas de rejet de l’égalité : il s’agit simplement d’en circonscrire la portée. Nos divergences correspondent bien à un conflit d’interprétation de l’idée d’égalité.

Comment apparaît, dans l’histoire des idées politiques, le concept d’égalité des chances ?

Jusqu’à la fin du XVIIIsiècle, le principal opérateur de répartition de la richesse et des honneurs est la naissance : elle vous situe d’emblée dans un système social hiérarchisé, qui fixe l’idéal auquel vous pouvez prétendre et le mode de vie à poursuivre. Cette différenciation des conditions fait obstacle à l’idée même de mobilité sociale : chaque individu, qu’il soit noble, prélat ou paysan, occupe la place qui lui est assignée et se conforme aux valeurs constitutives du modèle qui est le sien. Il peut, bien sûr, y avoir une concurrence au sein d’une même catégorie, mais il n’y a pas de concurrence entre les catégories.

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