Deux jours après avoir voyagé en France pour les commémorations de l’armistice de la Grande Guerre, Donald Trump a ciblé la France et son président, mardi 13 novembre, dans une série de quatre Tweet. Il y a abordé la politique de défense européenne défendue par Emmanuel Macron, les tarifs douaniers français sur le vin, la popularité du président de la République, avant de conclure, en écho à son slogan de campagne « Make France Great Again » (« rendre sa grandeur à la France »).
Le thème des taxes douanières est souvent abordé dans les Tweet du président américain : il considère que le jeu commercial entre les Etats-Unis et ses partenaires est biaisé, en faveur de ces derniers. Il pousse constamment à un rééquilibrage des balances commerciales, que ce soit avec la Chine, avec l’Union européenne (UE) ou avec ses voisins canadiens et mexicains.
Le contenu du Tweet concernant les tarifs douaniers français, qui en réalité s’appliquent à tous les pays de l’UE, n’a donc rien d’étonnant. Mais est-il vrai ?
« Concernant les échanges commerciaux, la France sait faire d’excellents fins, mais les Etats-Unis aussi. Le problème, c’est que la France rend très difficile la vente de vins américains en France, en imposant des droits de douane énormes, tandis que les Etats-Unis rendent facile la vente de vins français, en imposant de minuscules taxes. C’est injuste, ça doit changer. »
POURQUOI C’EST PLUTÔT VRAI
Américains et Européens appliquent des taxes à l’importation des vins, selon les volumes, les types de vins et leur alcoolémie. Donald Trump a raison : les vins américains sont davantage taxés en Europe que l’inverse, mais le montant des taxes, rapporté aux prix des bouteilles, reste très marginal.
- Les taxes américaines
La commission américaine des échanges internationaux (USITC), une agence fédérale chargée des questions commerciales, donne accès à une base de données sur les taxes applicables sur les différents produits importés aux Etats-Unis, dont le vin. Le vin est divisé en treize sous-catégories, qui tiennent compte de la taille du contenant (moins de 2 l, de 2 à 10 l, plus de 10 l), de la teneur en alcool du vin, et de si le vin est pétillant ou non.
La sous-catégorie « vin autre que le Tokay (non carboné), inférieur ou égal à 14 % d’alcool, dans des containers de moins de deux litres » représente la plus grosse masse de vin importé aux Etats-Unis depuis la France : elle correspond aux bouteilles de 75 cl de la plus grande majorité des vins tranquilles (non effervescents) français, que ce soient des vins de table ou les meilleurs crus classés.
La douane américaine prélève une taxe de 6,3 cents par litre (5,6 centimes d’euro) pour les pays liés adhérents à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Notons cependant qu’il existe des exemptions sur ces droits de douane pour certains pays, comme le Maroc, Singapour ou l’Australie, par exemple. Les vins qui titrent à plus de 14 degrés sont taxés à 16,9 cents par litre (15 centimes d’euros).
Par ailleurs, la sous-catégorie « vins pétillants » (dont le champagne) applique une taxe à 19,8 cents par litre (17,52 centimes d’euros). C’est la deuxième catégorie américaine d’import de vin la plus importante.
- Les taxes européennes
En Europe, la nomenclature utilisée pour lister les différentes marchandises vendues dans le monde n’est pas exactement équivalente à celle des Etats-Unis. L’UE a adopté un répertoire avec des subdivisions spécifiques, notamment concernant le vin, où la classification est sensiblement plus fournie. La comparaison avec les taxes américaines ne peut se faire de manière exacte : le titre alcoométrique volumique (TVA) pour les vins non fabriqués dans l’Union fait varier la taxe douanière en quatre classes, qui vont de 13,1 centimes d’euros par litre pour les vins en teneur d’alcool de moins de 13 %, jusqu’à 20,9 centimes pour les vins titrant à plus de 18 % ; pour les vins mousseux, la taxe à l’entrée dans l’UE est de 32 centimes le litre.
Une question de demande
Donald Trump a donc raison quand il dit que les taxes douanières appliquées en Europe sur le vin américain sont plus élevées que les taxes appliquées aux Etats-Unis sur le vin français : elles sont le plus souvent doublées. Et si l’importation en France de vins américains est en très forte augmentation — selon la base de données du commerce international de l’ONU, le montant de l’importation annuelle est passé de 26 millions à 73 millions de dollars (65 millions d’euros), elle reste dérisoire par rapport à la consommation de vin en France.
Rien n’indique pour autant qu’une baisse du tarif douanier sur le chardonnay californien facilite grandement la vente des vins américains sur le marché français, d’autant que la taxe à l’importation reste, dans un sens comme dans l’autre, la partie congrue du prix d’une bouteille.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu